Répétition : combat de mots sur un terrain de basket
La Répétition De et mise en scène de Pascal Rambert Avec Audrey Bonnet, Emmanuelle Béart, Stanislas Nordey, Denis Podalydès et Claire Zeller Du 12 au 21 décembre 2014 et du 6 au 17 janvier 2015 Mardi et jeudi 19h30, mercredi, vendredi et samedi 20h30, dimanche 15h Tarifs : 7 à 24 euros Réservation: Durée : 2h15 T2G Théâtre de Gennevilliers |
Dans un gymnase, deux femmes et deux hommes règlent leurs comptes professionnels et personnels sur le ton d’une invective tranchante jusqu’au KO final. L’occasion d’admirer quatre bêtes de scène lors d’une performance très particulière.
Personnages Ils sont quatre et portent les prénoms des acteurs avec lesquels ils se confondent Audrey, la première qui dégaine son monologue (superbe Audrey Bonnet) assume avec le tranchant d’une épée la harangue accusatrice, bras tendus vers l’ennemi. C’est Denis, l’objet de sa revanche, auteur d’une biographie sur Staline et qui l’a trahie en levant les yeux sur Emmanuelle, la seconde comédienne. La structure est brisée, d’ailleurs les idéaux sont trahis, “kaput”, morts selon Audrey, la voix de la rigueur et de la morale. Tout le contraire d’Emmanuelle (Emmanuelle Béart), sensuelle et sauvage, qui revendique elle son désir de sexualité et d’amour. Denis (Denis Podalydès) dissimule sa vérité derrière des mots superbement dits, qui parlent d’enfance et de transmission. Stan (Stanislas Nordey), lumineux et clair, est l’adolescent attardé de la révolte et du cri de résistance. Droit comme un I, il nous exhorte à se lever, à se révolter, à agir pour changer le monde. Un texte de révolte contre l’ordre des nantis Pascal Rambert se saisit de la langue comme d’un flambeau, brûlant et clair. Le public est pris à partie. Comme dans les tragédies antiques, nous sommes les choeur d’un écheveau d’histoires raciniennes où l’intime, le sexe, le théâtre et l’écriture sont partagées ou disputées. Comment changer le monde, après l’échec de Staline et de l’Union Soviétique ? Finies les idéologies, et les idéaux avec ? L’auteur veut rester optimiste et hédoniste, épris de poésie comme a pu l’être le poète russe Mandelstam qu’il aime citer, et qui mourut dans un camp de transit stalinien. A travers ces monologues de 35 minutes, où les acteurs circulent, s’allongent, se ploient comme des arbres battus par la tempête, il revendique la fluidité de la parole portée par l’énergie impressionnante des quatre comédiens. Un monde à réinventer A défaut de scénarios, ce sont des corps qui parlent à la première personne et qui chacun s’approprie ce monde en devenir. Audrey du côté de l’exigence et de l’honnêteté, Emmanuelle par la sensualité et l’érotisme, Denis en réconciliant les antagonismes et les dissensions, Stan sur la désertification de nos idéaux asphyxiés par la matérialité étourdissante du monde actuel. On souscrit à ces désirs de vérité dans l’art en admettant que l’auteur, dans ses exigences, ne nous en donne pas trop le choix. Et on admire le talent de ces comédiens remarquables capables de transmettre sans artifice cette parole projetée sur le plateau nu. Hélène Kuttner |
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