Yvonne, princesse de Bourgogne – Théâtre 71 de Malakoff
Yvonne, princesse de Bourgogne Mise en scène de Jacques Vincey Avec Hélène Alexandridis, Miglé Berekaité, Clément Bertonneau, Alain Fromager, Thomas Gonzalez, Delphine Meilland, Blaise Pettebone, Nelly Pulicani, Marie Rémond, Jacques Verzier Jusqu’au 30 novembre 2014 Tarifs : de 9 à 27 € Durée : 2h15 Réservations au
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Jusqu’au 30 novembre 2014
La comédie de Gombrowicz est située magistralement par le metteur en scène Jacques Vincey dans une cour royale contemporaine. Ironique, grotesque et tragique, le spectacle est un sommet de farce cruelle où culminent des comédiens virtuoses. Les spectateurs découvrent la dynastie royale dans une salle de sport d’aujourd’hui avec table de ping-pong, tapis roulant, musique et lumière toniques. Le roi et sa cour, tandis qu’ils se musclent et soignent leur apparence, sont ainsi assimilés aux people obsédés par leur image. La machine du pouvoir avec ses codes, ses règles sociales, ses modes et ses canons corporels est immédiatement posée, ce d’autant plus que le metteur en scène choisit d’interpeler le public lorsque le roi et les siens évoquent le peuple sous des quolibets et des sourires méprisants. Mais Philippe, le prince héritier, à force de mener une vie riche et festive en additionnant les filles de magazine, finit par éprouver quelque ennui comme tous les enfants trop gâtés. Alors, cherchant à s’affirmer et à exprimer son aptitude à la rébellion, il décide de se fiancer à Yvonne, la plus laide des femmes qui lui tombe sous la main, mollassonne, taciturne, gauche, qualifiée de “tas de saindoux” et de “laideron”. Son caprice d’abord fait rire ses parents et ses amis, mais son entêtement à vouloir s’unir par le mariage à “une moche” finit par dérégler tous les systèmes en place, moraux, hiérarchiques, intimes et collectifs. Toute la pièce se construit autour d’Yvonne, personnage d’anti-héroïne, le contraire même d’une princesse, qui reste quasiment toujours muette. Tel un pion étranger dans un damier bien lustré, elle provoque. Non par des attitudes, non par des exigences ou des propos, mais par sa simple présence immobile, passive et timide. Moins elle résiste au sadisme du prince Philippe, plus chacun autour d’elle se fissure. Moins elle plie, plus les autres se détraquent. Comme l’innocent qui déclenche la violence, elle fait monter les pulsions destructrices, elle fait ressurgir le passé abject et les pires horreurs accomplies sous des airs de garçon de bonne famille. Elle révèle les tendances perverses et les instincts de brutes qui sont traités d’une façon excessive, comique, parodique et jubilatoire, conjuguant avec brio la férocité à la loufoquerie. Le roi, la reine, le chambellan et les favoris, tous se mettent à dysfonctionner progressivement jusqu’à des apothéoses hilarantes. Jacques Vincey traduit au plus juste le style de l’auteur mort en 1969, parvenant à tisser l’invraisemblable avec la violence du réel. À travers des mouvements scéniques foisonnants et une direction d’acteurs débordante d’inventions, il explore la pièce sous tous ses aspects. Il enchevêtre les références à des situations vaudevillesques et absurdes, il combine les déraillements en un éblouissant sens du paradoxe, faisant ressortir toute l’audace et la liberté formelles de Gombrowicz, propulsant les épouvantables désirs accomplis ou refoulés qui sommeillent sous les allures civilisées. À l’image du décor, un salon bourgeois qui s’ouvre sur une forêt tropicale, culture et nature se répondent dans un chaos drôle et extravagant. C’est une gageure que de rendre sur un plateau la verve de Gombrowicz qui ne voulait pas de l’esprit de sérieux, alors que sont traités rien de moins que la violence du pouvoir, la mise à mort du bouc émissaire, la norme et la vérité, le sacrifice et le mensonge… Le metteur en scène et les comédiens de grand talent proposent un spectacle qui fait vaciller tous les repères et emporte le public – tous les publics – dans un territoire théâtral explosif et hautement réjouissant. Émilie Darlier [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=eIwMMW08Mww[/embedyt] [Photos © Pierre Grosbois] |
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