L’art brut en folie
La Halle Saint-Pierre “L’Army Secrète” Jusqu’au 18 janvier 2015 La Maison Rouge “Art brut, masterpieces & découvertes. Carte blanche à Bruno Decharme” Jusqu’au 29 novembre 2014 Galerie Christian Berst “Outsider Art Fair” Jusqu’au 26 octobre 2014
Espace abcd “Match de Catch à Vielsam / Vivre à Fran Disco” agnès b. |
Jusqu’au 18 janvier 2015
Paris se met au diapason de l’art brut en cet automne, de la Halle Saint-Pierre à l’Espace abcd, en passant par La Maison Rouge, l’Outsider Art Fair, la galerie Christian Berst ou agnès b. Toutes les conditions sont réunies pour s’initier à cette création appartenant aux marges ou découvrir avec plaisir les découvertes de passionnés. Non, l’art brut n’est pas que “l’art des fous” ! Presque 70 ans après l’invention du terme par Jean Dubuffet, les clichés ont la vie dure. En effet, à côté des créations associées aux asiles psychiatriques – étudiées dès les années 1920 par le docteur Hans Prinzhorn – se rangent celles de “l’homme du commun” comme l’appelle Dubuffet – celui en dehors des circuits artistiques – et l’art médiumnique. Tous sont poussés par une nécessité intime, par une pulsion vitale sans autre but que de produire pour eux-mêmes : ce sont des créateurs solitaires. Peut-être aussi pour soulager des souffrances psychologiques, pour garder un lien avec le monde réel ou organiser leur monde intérieur. Ils n’ont pas l’ambition de présenter à quiconque ce travail – il arrivait à Aaltje Dammer, par exemple, de déchirer ses dessins à la fin d’une journée en disant : “Bon débarras, c’est assez grave comme ça !” – et encore moins de le vendre. Un art bien souvent caché C’est ainsi qu’il n’est pas rare de découvrir ou d’avoir accès à une production gigantesque après la mort des auteurs, que ce soit pour la mascotte du marché de l’art Henry Darger (ses dessins ont été découverts dans son appartement après sa mort) ou pour l’Américain Jon Serl qui a toujours refusé de vendre une de ses 1200 œuvres. À chaque fois également, on plonge dans des histoires étonnantes, de véritables récits de vie qui donnent une autre dimension, touchant par là notre sensibilité romantique. Mais on accepte de se laisser emporter par cet aspect seulement après avoir été capté par les créations. Tous les spécialistes ne sont pas d’accord pour donner une même définition à cette production, et beaucoup de termes foisonnent pour décrire un corpus d’œuvres aux frontières poreuses : Art singulier, hors-les-normes, Outsider art, Neuve invention, Folk Art… Dans cet ensemble où il est facile de se perdre, certains endossent le rôle des “gardiens du temple” là où d’autres questionnent le périmètre de l’art brut et accompagnent son évolution
Le rôle prescripteur de certaines personnalités comme Antoine de Galbert a bien évidemment eu son importance, tout comme la désillusion autour des idéologies politiques, faisant que certains se tournent vers le religieux et vers une quête de sens. Nous sommes prêts aujourd’hui pour regarder l’art brut Les mentalités ont par ailleurs évolué et notre regard est certainement mature aujourd’hui pour accepter l’art brut dans le champ de l’art tout court. D’un point de vue formel, il est vrai qu’il est possible d’établir des familiarités avec l’art contemporain grâce à des artistes comme Dan Miller, Josef Hofer ou Justine Python. L’époque aussi nous pousse vers ces auteurs qui ne cherchent pas à justifier leurs créations par un discours hermétique ni ne sont portés par un marché qui dicte la valeur artistique d’une œuvre par le nombre de zéros. “Cela nous parle de la mort, de la Création, du cosmos”, analyse le collectionneur Bruno Decharme. “Ces artistes d’un genre particulier nous parlent de nos mystères, de nos interrogations fondamentales et c’est pour cela que l’art brut nous fascine. Il est proche de nous, parle de l’intime et nous excite au plus haut point comme un code secret !” Stéphanie Pioda [Images : Éric Derkenne, sans titre, 2008, 1100 x 730 mm, mixte sur papier. En dépôt au LaM (Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut à Villeneuve d’Ascq, collection d’art brut) ; Carlo Zinelli, sans titre, 1967, gouache sur papier, 70 x 50 cm, courtesy galerie Christian Bert / VAN GENK, SH190, Autoportrait, 1978, technique mixte sur carton, 95 x 105 cm. Collection De Stadshof, Musée Dr. Guislain, Gand / D Goblet et D Theate, courtesy galerie agnès b.] |
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