L’Américain établi en Allemagne a profondément marqué le monde de la danse, au même titre qu’une De Keersmaeker, une Pina Bausch ou un Béjart. Le Festival d’automne lui consacre un portrait qui inclut quelques grandes œuvres, mais aussi un regard sur les créations de ses interprètes qui créent aujourd’hui leurs propres œuvres.
On l’appelle Bill, comme Clinton ! L’ancien président a un peu disparu, mais Bill le chorégraphe est toujours sur le devant de la scène. Certains l’appellent “Billy”. Chacun son Forsythe, car en effet, il en existe plusieurs. D’abord celui qui a étonné le monde de la danse dans les années 1980 et 1990, celui qui semblait lutter contre la danse classique alors qu’on comprend aujourd’hui ce qu’il prônait déjà à l’époque : il faisait des ballets !
Il n’y a pas un, mais des Forsythe
Le Forsythe des années 2000, qui passe sérieusement à la déconstruction et intègre les médias dans son travail. Ce Forsythe qui est un penseur, pas seulement de la danse mais de l’humanité dans son ensemble, dont la réflexion sur le spectacle passe par les mathématiques, la physique quantique, la neurologie, la logique…
C’est ce Forsythe philosophe qui a créé celui des « objets chorégraphiques », nouvelle branche de sa créativité. Ce sont des installations interactives qui font leur entrée en tant qu’œuvres d’art dans les plus grands musées d’art contemporain.
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Alors, quel Forsythe au Festival d’automne ? On nous y donne à voir celui des origines, celui qui a forgé le mythe, le Forsythe le plus populaire, celui des grandes soirées… de ballet ! Viennent au festival le Lyon Opera Ballet et le ballet du Semperoper de Dresden en Allemagne, où Forsythe a travaillé après 2004 quand sa ville d’implantation, Francfort, la capitale financière de la R.F.A., ne voulait plus subventionner la compagnie sans un apport d’une autre ville.
Comme des soirées de gala
On verra donc Limb’s Theorem de 1990 ainsi que le répertoire Forsythe transmis au Lyon Opera Ballet, ce qui donne de belles soirées, presque de gala. Les pièces les plus récentes, créées en 2012, sont Neue Suite et Study #3, mais les deux sont constituées d’extraits du répertoire, relooké et arrangé, par exemple en montrant uniquement les pas de deux des grands classiques du maître. Et pas de grande soirée sans les raids sonores de Thom Willems, qui forme avec Bill un duo, comme avant John Cage et Merce Cunningham.
Ce portrait est donc une rétrospective, plus qu’un regard sur son actualité. Un seul Forsythe au lieu des trois. Le Forsythe jeune homme et séducteur ! Et puis, il y a ses « enfants », les interprètes de la compagnie qui sont devenus des chorégraphes d’envergure. Chez chacun, on reconnaît quelque chose de la rigueur, de l’exigence totale, à la fois technique et intellectuelle du maître. Et pourtant, chacun développe une personnalité artistique forte.
Les interprètes deviennent chorégraphes
Chez Forsythe, les interprètes deviennent des personnalités qui tiennent debout, sans leur mentor (à la grande différence d’avec les interprètes de Pina Bausch). On aura du mal à les mentionner tous, de Crystal Pite à Anthony Rizzi, de Prue Lang à Jone San Martin. La Catalane est toujours au service de la compagnie mais s’est fait un nom depuis longtemps avec des spectacles décapants.
Pour le Festival d’automne, Billy lui-même a collaboré au concept de ce Legitimo/Rezo qu’elle interprète au Théâtre des Abbesses. On y verra aussi Eifo Efi de Fabrice Mazliah et Ioannis Mandafounis, deux autres anciens interprètes, aujourd’hui réunis dans la compagnie Mamaza.
Thomas Hahn
[Photos : Costin Radu]
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