Du 10 au 28 juin 2014
Par deux fois, en invitant les artistes du sud de l’Europe et les jeunes créateurs à l’imagination sans limites, le Théâtre de la Ville sort des sentiers battus et avance en bonne intelligence avec le festival June Events, La Villette et autres lieux phares. La danse tient une place importante dans deux manifestations ouvertes à toutes les disciplines.
Place aux jeunes, à l’insolite et aux surprises en tous genres ! Le concours « Danse élargie » est fait pour ça. L’appel à projets reflète pleinement la volonté de n’imposer aucune restriction artistique. Il suffit d’avoir une idée, de proposer une création pour au moins trois interprètes et de se limiter à dix minutes. En revanche, aucune limite vers le haut n’est imposée concernant le nombre d’interprètes. Aussi, on y a déjà vu des projets occupant le plateau avec plusieurs centaines de personnes, avec des chiens ou des performers qui s’y installèrent pour un match de badminton. Tout, mais vraiment tout est possible. Il s’agit bien de créer un esprit de liberté.
Si le titre fait référence à la danse, c’est que l’art chorégraphique est par nature totalement ouvert aux autres disciplines et que la maison dirigée par Emmanuel Demarcy-Mota s’est associée au « Musée de la danse », le Centre chorégraphique national de Rennes dirigé par le chorégraphe Boris Charmatz.
Pas de célébrités dans « Danse élargie » ? Si ! Le jury en regorge avec par exemple Mathilde Monnier, fraîchement promue directrice du Centre national de la danse, ou Thomas Ostermeier, directeur de la Schaubühne de Berlin. On y trouve aussi Noé Soulier et Bouchra Ouizgen, deux jeunes trublions de la scène chorégraphique qui ont le vent en poupe. Sans oublier un peintre, un plasticien et une percussionniste. En effet, il serait curieux de prôner l’ouverture des projets artistiques à l’architecture, aux arts plastiques… sans ouvrir le jury sur un grand nombre de disciplines.
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Pour vous, l’entrée sera gratuite et sans réservation ! Certes, pas pour voir De Keersmaeker, mais peut-être l’un ou l’autre sera-t-il sur les grandes affiches dans une vingtaine d’années. Le premier jour, samedi 14 juin, les créations sont présentées par tranche de cinq, à partir de 11h. Vers 18h, la vingtième et dernière pièce aura été vue. Elles ont été sélectionnées parmi 320 dossiers de 37 pays. Dix seront en finale, dimanche 15, à partir de 14h30.
« Danse élargie » tombe par ailleurs en pleine période du festival « Chantiers d’Europe », autre création « maison » du Théâtre de la Ville, lancé pour questionner l’état de la création dans les pays méditerranéens. Parce que la France occupe une position de pivot dans une Europe scindée en deux, parce qu’Emmanuel Demarcy-Mota développe par ailleurs un axe de coopération puissant avec Berlin, en invitant les deux compagnies de théâtre principales de la capitale allemande, à savoir le Berliner Ensemble et la Schaubühne. Mais en même temps, il s’engage à intensifier le dialogue avec le sud de l’Europe.
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Espagne, Grèce, Portugal, Italie. La liste se lit comme le Who’s who des pays où la crise financière a le plus durement décimé les politiques publiques en faveur du spectacle vivant. Et pourtant, les artistes sont toujours là. Face aux réalités sociales, leurs créations sont même d’autant plus vraies et radicales.
À commencer par Daniel Abreu. À Tenerife, aux marges de l’Europe, il développe une danse inquiétante, sensuelle, troublante et parfois violente. Dans Animal, il creuse avec détermination le côté instinctif et animal de l’Homme, avec ses contradictions entre le culturel et le primaire. Abreu sait créer des images sobres et intenses, métaphoriques et subliminales, subtiles et archaïques à la fois. À explorer le 10 juin au Théâtre de l’Aquarium, dans le cadre du festival June Events, et à confirmer avec son solo Cabeza au Théâtre des Abbesses, le 20 juin.
Du Portugal vient Paulo Ribeiro avec son hommage à Jim Morrison, retour à une idée de liberté avec The Doors et leurs tubes, pour s’échapper et s’éclater pendant une heure et vingt minutes. Une manière de dire ce qu’on pense du monde actuel. Figure de proue de la danse contemporaine portugaise, Ribeiro a également créé des pièces pour le Nederlands Dans Theater, le Grand Théâtre de Genève et le Ballet de Lorraine.
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« Chantiers d’Europe » connaît par ailleurs un taux de croissance impressionnant. Créé au Théâtre des Abbesses, le programme investit cette année également La Villette, le Théâtre de la Ville, La Colline, Le Monfort, le Théâtre Paris-Villette et tant d’autres. À La Villette, c’est tout un festival de flamenco qui s’y associe. Et voilà : une autre manière de construire l’Europe est possible !
Thomas Hahn
[photos : Alberto Banares (Animal) et Jesus Robisco (Cabeza)]
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