Royale légende au Lucernaire
Royale légende De Bernard Larré et Frédéric Mansier Mise en scène de Xavier Berlioz Avec Nadine de Gea et Patrick Blandin Jusqu’au 8 juin 2014 Plein tarif : 25 € Tarifs réduits : 20 €, 15 €, 10 € Réservations :01 45 44 57 34 Durée : 1h15 Lucernaire |
Jusqu’au 8 juin 2014
Marie-Antoinette et le Chevalier d’Eon, deux figures qui ne se sont jamais réellement rencontrées, entretiennent pour deux semaines encore une correspondance fournie au Lucernaire. Sous la plume de deux auteurs très inspirés et bénéficiant d’une mise en scène précise et inventive, ce spectacle est une indiscutable réussite. Quoi de plus excitant pour un dramaturge que d’alimenter son art d’une « petite » histoire puisée dans la grande, quitte à assouvir le fantasme de faire exister l’inexistant, se rencontrer ceux que le destin n’a jamais mis en présence et d’imaginer ce qu’ils auraient pu se dire, se rire et, pourquoi pas, comment ils eussent pu infléchir l’ordre du monde ? Bernard Larré et Frédéric Mansier se sont penchés sur une rencontre tellement inventée qu’elle en devient totalement probable : Marie-Antoinette et le Chevalier d’Eon. Ces deux érudits, ces obsédés textuels, ont concocté, afin de demeurer proche d’un genre florissant à l’époque des « faits » grâce notamment à Choderlos de Laclos (Mesdames de Lafayette et Sévigné ou la Princesse Palatine ayant sévi quelques décennies plus tôt), un spectacle basé sur une correspondance entre ces deux personnages. Deux empêcheurs de tourner en rond, deux esprits frondeurs, deux victimes des convenances et du protocole. L’Autrichienne, débarquée de Vienne pour y épouser le Dauphin, destinée au trône, n’est qu’un objet scruté, façonné pour les besoins de la couronne. Un pantin qui se doit d’apprendre l’esprit français avant de connaître l’ennui et de perdre pied et vie dans le courant qui charrie les destinées historiques. Lui, diplomate brillant qui, contre vents et marées après des négoces hasardeux, décidera autant pour sa survie que pour faire la nique aux convenances de ne plus s’habiller qu’en femme, se faisant appeler Chevalière. Un texte somptueux Le texte de Larré et Mansier est un bonheur de chaque mot. Il coule comme le meilleur des nectars, âpre ou gouleyant selon les moments et les faits évoqués. Le verbe est haut, les phrases prennent leur temps, se parant de délicates métaphores, jouant sans cesse de cet esprit des Lumières. Une simple lecture scénique, sans artifice, suffirait à capter un auditoire. Xavier Berlioz va pourtant y apporter une touche d’élégance, de grâce et d’émotion que défendent des comédiens sincères et inspirés. De la vierge qu’on habille, qu’on affuble d’oripeaux guère faits pour elle, qu’on pare des ors de la royauté à la souveraine qu’on soumet à l’immonde effeuillage, qu’on bafoue autant qu’on l’ensanglante, c’est une vie qui s’écoule devant nous. Xavier Berlioz va jouer sur cette thématique vestimentaire d’autant mieux qu’elle sied tant au siècle du faste versaillais qu’à la dissidence assumée du Chevalier d’Eon. La robe qui corsète, ligote, sangle Marie-Antoinette métaphorise à merveille le véritable combat de cette femme éprise de liberté autant que celle revendiquée crânement par son interlocuteur. Nadine de Gea et Patrick Blandin viennent quant à eux donner chair à ses deux héros et hérauts d’un monde nouveau. Leur puissance de jeu et leur évident plaisir à défendre ces mots contribuent à hisser ce très beau spectacle fortement conseillé également aux lycéens vers le prix d’excellence. Franck Bortelle [Photo : Cédric Barbereau] |
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