Cycle Le Goût du jeu – Forum des Images
Cycle Le Goût du jeu Du 18 juin 27 juillet 2014 Le Forum des images |
Du 18 juin 27 juillet 2014
Tantôt dépense gratuite d’énergie pure, tantôt adhésion librement consentie à des dispositifs réglés au millimètre près, la posture ludique est loin d’être anodine. Expérimentés dès notre plus jeune âge, les fameux « pour de rire », « pour de faux », « on aurait dit que » fondent notre manière d’être au monde, et se prolongent dans nos vies d’adulte. Le cinéma s’en inspire pour nous offrir des films comme autant de terrains de jeux merveilleux, pour tous les âges. Intimement lié à l’imaginaire, le jeu permet de créer des mondes. Jouer, c’est engendrer, injecter de la fiction dans le réel qui s’en trouve ainsi amplifié, intensifié, voire transfiguré. Dans Max et les Maximonstres de Spike Jonze, le jeune Max joue à être un loup. C’est dans ce costume qu’il rejoint un monde féroce et fabuleux où se trouvent les choses sauvages («where the wild things are », le titre original du film) et dont il devient le roi. L’un des Maximonstres a beau soupirer « c’est juste un petit garçon qui fait semblant d’être un loup qui fait semblant d’être un roi », les jeux auxquels Max se livre dans cet univers posent des questions cruciales. Jouer c’est se frotter au dehors, composer avec l’autre. Quoi de plus délicieux alors que les jeux de séduction ? Marivaudages, badinages, et autres conquêtes, le désir et le plaisir se déploient dans des dispositifs plus ou moins sophistiqués (Le Genou de Claire d’Eric Rohmer, Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears), ou corsés (Maîtresse de Barbet Schroeder, Belle de Jour de Luis Bunuel) mais toujours codifiés. Se plier aux protocoles amoureux et érotiques implique un cadre strict, mais offre aussi la grisante possibilité d’être surpris par quelque chose d’inconnu, de reconduire les conditions d’une jouissance inédite. Parfois avoir recours au jeu dans l’amour permet aussi de se fabriquer un bouclier, une protection. Soirée d’ouverture / La secrétaire Le cycle Le goût du jeu s’ouvre avec La Secrétaire de Steven Shainberg, qui pose avec élégance, facétie et sensualité une question essentielle : comment trouver un partenaire, un camarade de jeu(x), dont les désirs, les tourments, les démons s’emboîtent à merveille avec les siens ? Une jeune femme timide et gauche (Maggie Gyllenhaal tout en charme et grâce mutine) est embauchée comme secrétaire par un avocat solitaire, trouble et troublant, interprété par un James Spader déroutant tel un bloc de glace fiévreux. Ce qui démarre d’abord comme un jeu hiérarchique s’intensifie à travers des mises en scène érotiques de soumission et de domination, et bouleverse profondément leurs vies. Aussi loin des clichés assignés à l’univers sadomasochiste que des lieux communs des comédies sentimentales, une réflexion romanesque sur le miracle de la rencontre amoureuse. « Un film dans lequel les joueurs ne sont pas le sujet de leur jeu », note Émilie Notéris qui se définit comme « une travailleuse du texte », auteure notamment de « Fétichisme post-moderne – Conférence / À quoi joue le personnage Rohmerien ? De marivaudages en badinages en passant par de subtiles négociations, éloquentes tractations et autres joutes oratoires, les jeux de l’amour et du hasard sont au cœur de l’œuvre d’Éric Rohmer. Ses films, qui explorent avec malice et finesse les us et les coutumes de la séduction contemporaine, nous fascinent toujours autant. La critique de cinéma Charlotte Garson nous offre l’occasion d’en savoir plus : « Quand il se jure de parvenir à toucher Le Genou de Claire ou calque sa vie amoureuse sur les termes du pari de Pascal, à quoi joue le personnage rohmerien ? Des codes qui régissent les Jeux de société à l’espiègle jeu de la séduction de Conte d’automne, un parcours à travers l’œuvre d’Éric Rohmer, tendue entre contrainte et hasard, entre le cadre d’un dialogue écrit et l’impromptu d’un geste. » Rencontre / C’est pas du jeu En présence des réalisateurs Alice Langlois et pascal Auffray Table ronde / Comment filmer le foot ? Que l’on soit passionné, indifférent, voire réfractaire, force est de constater que le football occupe plus que jamais nos écrans en cette période de Coupe du monde. Prenons alors un peu de distance et questionnons les mises en images, les mises en récits de ce jeu collectif si prisé, grâce une table ronde animée par Xavier de La Porte (« La controverse pied/main, hypothèses sur l’histoire du football », Éd. Ère, 2006), qui note : « La télévision a imposé sa manière de filmer le football. Et c’est logique. Mais, de ce fait, la télévision a imposé une manière de raconter le football, les éléments d’une dramaturgie, une hiérarchie des priorités, une temporalité. Le premier enjeu pourrait être de comprendre comment tout cela s’est construit : c’est affaire d’économie, de technologie, mais aussi de personnes. Le second de saisir ce que cela dit du football en tant que spectacle. On pourrait enfin rêver à d’autres manières de filmer le football, certains s’y essaient, ce n’est pas facile. » Pour en découdre : François-Charles Bideaux, réalisateur majeur de la FIFA, qui a signé la réalisation de la finale de Coupe du monde 2010 ; Patrice Blouin, critique de cinéma, auteur d’un brillant essai sur le football (« Une coupe du monde : Télégénie du football », Éd. Actes Sud, 2011) ; le génial Massimo Furlan, performeur et plasticien qui a « incarné » Michel Platini lors d’une reconstitution en temps réel du match France-Allemagne de 1982 ; et Charles Tesson, critique et historien de cinéma, véritable pionnier en matière de réflexion sur les images du sport en France, et à qui les cinéphiles férus de foot seront éternellement reconnaissants ! À noter que cette table ronde se tient un soir de relâche de la Coupe du monde… Ateliers / Jeux d’ici et d’ailleurs Dans nos ateliers, venez découvrir et pratiquer des jeux d’ici et d’ailleurs ! Des démonstrations et éclairages historiques, culturels sur les origines des jeux des plus connus (backgammon, go, mah-jong) aux plus insolites comme les dérivés des jeux d’échecs qui se nomment shōgi au Japon ou chaturanga en Inde. Et pourquoi pas ne pas s’essayer au patolli, une variante du jeu des petits chevaux, pratiqué avec ferveur en Mésoamérique, où les joueurs en arrivaient parfois à se parier eux-mêmes comme esclaves. Mais on a le droit de jouer juste pour le plaisir ! « Le jeu est bien moins un divertissement qu’une attitude fondamentale et peut-être même spécifique de l’existence humaine (…) Presque tout est joué dans l’existence humaine, et un même homme joue en un seul jour plus de rôles différents que l’acteur le plus sollicité n’en incarne souvent en toute une carrière. » 1 Dans son très beau film JLG/JLG – Autoportrait de décembre où il joue son propre rôle Jean-Luc Godard livre en voix-off un manuel de vie, où il s’agit de « procéder à la distribution des rôles, commencer les répétitions, résoudre les problèmes de mise en scène, régler soigneusement les entrées et les sorties, apprendre son rôle par cœur, travailler, améliorer son interprétation, entrer dans la peau de son personnage, avoir un rôle de… » Et si vivre sa vie, être quelqu’un, c’était « avoir un rôle de » ? Jouer permet de coïncider avec un soi qui n’existe pas au préalable mais que l’on construit au fur et à mesure. Dans Le Figurant, Buster Keaton usurpe l’identité d’un figurant et « se déguise en acteur » pour pouvoir entrer enfin dans la vie. Dans une comédie réjouissante de Lars Von Trier, Le Direktor, un patron, soucieux de rester populaire auprès de ses employés, embauche un acteur au chômage pour l’incarner. Les vertiges de l’identité en train de se faire et de se défaire, les abîmes de l’invention et du dépassement de soi sont au cœur des films aussi divers que Fight Club et The Game (David Fincher), Haut, Bas, Fragile (Jacques Rivette) ou To Be or not to be d’Ernst Lubitsch. En jouant on met en œuvre sa liberté, son libre arbitre, dans des gammes infinies, entre un désir de maîtrise totale frisant parfois la perversion (La Corde de Hitchcock), la duperie (L’Arnaqueur de Robert Rossen) et une volonté paradoxale de se laisser faire par le hasard, de se laisser guider, griser par le sort (Le Jeu de l’oie de Raul Ruiz, Le Pont du Nord de Rivette). Comme dit si bien la troublante Allegra Geller dans eXistenZ de David Cronenberg : «les possibilités sont immenses ». Conférence / Filmer pour jouer ou jouer pour filmer : Le jeu au regard du cinéma amateur Bien avant l’apparition des téléphones intelligents, les filmeurs du dimanche se sont passionnés pour capter des moments ludiques et festifs passés à jouer en famille, entre amis. Le Forum des Images dispose d’un remarquable fonds de films amateurs qui regorgent de ces scènes poétiques et émouvantes. L’historienne du cinéma Valérie Vignaux les explore : « Alors que le jeu pour Roger Caillois, se doit d’être « rigoureusement improductif », les pratiques filmiques amateurs font du ludique l’un des principaux ressorts d’une démocratisation rendue possible grâce à une caméra-jouet. Ainsi, à partir d’un large corpus emprunté aux collections du Forum des Images, on s’attachera à saisir les particularités d’un phénomène universel. » Conférence / La vie est-elle un grand jeu ? L’écrivain et journaliste Philippe Nassif réfléchit sur le jeu comme un outil libérateur pour s’extirper du nihilisme de la société moderne : « Le jeu, « ce n’est pas sérieux » ? Il s’agira au contraire de montrer que l’ascension de la figure du joueur dans la philosophie moderne est exactement parallèle à celui de la « mort de Dieu ». Et qu’en un temps dénué de fondation stable, la pensée du jeu est une invitation cruciale à participer au monde plutôt qu’à « gérer », à distance, son existence. » Conférence / Le jeu dans le cinéma de Nanni Moretti Cluedo sur grand écran / Un cadavre au dessert Quand un manoir se transforme en un terrain de jeux géant pour un casting de rêve, cela donne une comédie culte et décalée qu’il faut (re)découvrir absolument ! Les meilleurs détectives du monde (croqués d’après des personnages de fiction comme Hercule Poirot ou Charlie Chan) sont « cordialement invités à un dîner et à un meurtre » par un millionnaire excentrique interprété par l’écrivain Truman Capote, inattendu et irrésistible dans ce rôle qui lui a valu une nomination aux Golden Globes. L’hôte diabolique met ses convives au défi de résoudre un meurtre qui sera commis à minuit. Un jeu de cluedo géant démarre alors avec Alec Guiness majestueusement drôle en majordome aveugle, Peter Sellers délicieux en détective chinois féru d’adages cocasses, Peter Falk tout droit issu d’une version parodique de film noir, ou David Niven et Maggie Smith, savoureux dans leur composition so british d’un couple très à cheval sur les bonnes manières, même en cas de meurtre sanglant. Le goût du jeu est partout dans Un cadavre au dessert. Le plaisir de ces grands acteurs à « jouer ensemble » fait écho à la délectation du spectateur, complice pantois et ravi de cet univers absurde et hilarant. Table ronde / Jeux vidéo et cinéma « Le temps est loin où, amas de pixels contre photogramme, la différence entre jeux vidéo et cinéma sautait aux yeux. Depuis, l’ordinateur a transformé en profondeur la production des images, quand les jeux vidéo se sont mis à revendiquer une forme de cinéma augmenté : plus interactif, plus immersif. Le joueur est-il l’avenir du spectateur ? Quels genres de cinéma fait-on avec les jeux, de jeux avec le cinéma ? Qu’est-ce qui du cinéma, mais aussi de son passé, jouets optiques, fantasmagories ou panorama, éclaire les jeux vidéo ? » Demande Mathieu Triclot, auteur de Philosophie des jeux vidéo (2011). Il met en discussion ces questions lors une rencontre ludique et participative où il sera accompagné d’Alexis Blanchet qui a signé Les jeux vidéo au cinéma (Armand Colin, 2012) Conférence / Jeux cruels dans le cinéma de Michael Haneke « On ne fait pas que s’humilier ou se tuer dans les films de Haneke. On joue, aussi, beaucoup : au backgammon dans After Liverpool, au Mikado dans 71 Fragments d’une chronologie du hasard, au quizz dans Funny Games et Code inconnu, aux comptines dans Amour… Et le jeu indique toujours un point de basculement où, sur la pente du Mal, d’autres choix moraux deviennent soudain possibles – non pas pour les personnages, mais bien pour le spectateur. » Remarque Sarah Chiche, écrivain, psychanalyste et psychologue clinicienne, auteur d’un essai à paraître sur le cinéma de Mickael Haneke, intitulé Ethique du Mikado. Une conférence pour appréhender les ressorts d’une œuvre qui crée des expériences filmiques d’une rare intensité. Ateliers / Jeux d’ici et d’ailleurs Nos ateliers pour découvrir des jeux d’ici et d’ailleurs se poursuivent en juillet avec des démonstrations et éclairages historiques, culturels sur les origines des jeux les plus familiers et leurs variantes surprenantes selon les époques et les pays. Les échecs chinois Xiangi, ou le Yunnori, le jeu des petits chevaux version coréenne n’auront plus aucun secret pour vous ! |
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