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Une question de génération : entretien avec Alexis de Gourcuff, fondateur de Strip Art

12 mai 2014
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Une question de génération : entretien avec Alexis de Gourcuff, fondateur de Strip Art Le 12 mai 2014 

Lancée il y a près de deux ans, la galerie Strip Art propose de l’art urbain, du pop art et de la photographie. Dédiée à une nouvelle génération d’amateurs, la galerie fonctionne grâce à un site Internet et un blog, tandis que les œuvres sont également visibles dans un show-room situé dans le VIIIe arrondissement de Paris. Art Media Agency a rencontré son fondateur Alexis de Gourcuff.

Comment avez-vous eu l’idée de vous lancer dans le commerce du street art ?

Alors que je travaillais dans l’immobilier, deux amis passionnés d’art qui deviendront mes associés, m’ont fait découvrir le street art et l’art urbain. J’ai 36 ans et je considère que le street art est totalement générationnel, je ne me vois pas acheter les mêmes œuvres que mes parents.

Au fur et à mesure de ma découverte de ce milieu, j’ai eu envie de concrétiser cette passion en créant une structure commerciale orientée vers le street art et le pop art. Ces deux mouvements sont liés, les artistes de ma génération ont été influencés par le Pop Art, et quand ces artistes créent hors de la rue, il y a une fusion entre ces mouvements. On emploi art urbain ou urban art pour parler du street art exposé en galerie.

Ce qui m’intéresse c’est de voir vers quoi évolue le graffiti lorsqu’il quitte la rue pour être finalement exposé en galerie. Le street art devient ainsi de l’art urbain. La trame commune de tous ces artistes qui ont commencé dans la rue, c’est le street art qui prend plusieurs formes : tag, graffiti, pochoir, collage. Effectivement comme ils sont nombreux à avoir grandi avec des influences Pop Art, beau- coup vont se tourner vers ce courant lorsqu’ils vont faire évoluer leur techniques. Mais ce n’est pas systématique, beaucoup vont aussi vers la figuration libre ou vers quelque chose de plus personnel. Dans tous les cas, les œuvres exposées gardent une empreinte de ces influences issues de la rue.

On peut rappeler qu’à la base le pop art est né en Angleterre puis aux USA avec pour but de critiquer les beaux-arts trop élitistes et pas assez accessibles. Le pop art aussi, critique une société de consommation largement influencée par la publicité. Ma vision des choses est que le pop art qui semble découler du street art d’aujourd’hui semble plus légitime que le pop art des années 1960 car populaire puisque né dans la rue. Aussi il évolue et remplace un pop art devenu un peu rétro, démodé…

J’aime le côté accessible de ce segment. D’une part grâce au prix, mais également du fait de l’accessibilité intrinsèque au street art. Contrairement à l’Art Contemporain, où les artistes atteignent rapidement des centaines de milliers d’euros, avec le street art, un nombre bien plus large d’amateurs peut acquérir des œuvres.

Le street art est encore accessible puisque générationnel, mais les grands collectionneurs et fondations commencent à s’y intéresser. Le street art commence à être reconnu comme un domaine de l’art contemporain à part entière. Il n’y a pas encore beaucoup de spéculateurs et la cote des artistes s’établit vraiment entre l’offre et la demande. C’est ce que veulent accrocher chez eux les jeunes générations d’aujourd’hui. La cote des artistes augmente avec le pouvoir d’achat de ces jeunes collectionneurs.

Ce mouvement est véritablement en plein boom, il correspond à la « génération XY », le nombre de ventes aux enchères augmente, mais les prix restent « raisonnables. » L’ensemble de ces facteurs m’a conduit à me tourner vers ce secteur.

Comment fonctionne Strip Art ?

Le concept est de présenter les œuvres sur notre site Internet, et de recevoir dans notre show-room. Nous voulons passer outre le format traditionnel et un peu élitiste des galeries où le public non initié n’ose pas toujours entrer.

De notre côté, nous présentons les œuvres sur notre site Internet, où il est possible d’acheter directement. Mais lorsqu’une personne désire voir les œuvres, je la reçois dans le show-room et mets en place un accrochage en fonction des pièces qui ont intéressé le potentiel acheteur. Pour l’instant, les ventes en ligne concernent majoritairement les œuvres les plus accessibles, les sérigraphies.

Comment sont positionnés les artistes que vous proposez ?

Nous présentons des artistes émergents ou déjà reconnus sur la scène street art.

Parmi ces artistes Alberto Vejarano, alias Chanoir est un artiste Franco-colombien, né en 1976 qui vit et travaille à Paris. Il a étudié aux Beaux Art de Paris. En 1996 il rentre de plein pied dans la culture post graffiti parisienne, en créant son alter ego CHANOIR. Il invente alors la métamorphose systématique de son logotype. Chanoir travaille au spray dans les rues du monde entier, ou sur toile dans son atelier parisien. Il revendique le coté apolitique de son travail. Ses peintures, positives et colorées s’articulent autour du monde de l’enfance. Il peint un univers insouciant et ludique ou il réinvente ses « Chas » bienveillants.

L’artiste français Xavier Célanie crée quant à lui des portraits, dans un esprit pop art, réalisés avec de la peinture acrylique noire et/ou des marqueurs et de la peinture industrielle de couleur sur un support singulier qu’il récupère : le carton. Il choisit ce support en fonction des formes mais aussi des mots, logos ou couleurs qui y figurent afin d’apporter une seconde interprétation de son travail ; un message à décoder ou un simple clin d’œil de l’artiste.

Les artistes proposés ont déjà une cote en ventes aux enchères, tandis que ceux qui sont émergents ont déjà une certaine légitimité. Si l’on prend l’exemple de Xavier Célanie, il a fait l’objet d’un reportage sur TF1, il a fait les Beaux –Arts. Nous raisonnons au coup de cœur. Mais lorsque l’on voit quelque chose qui nous plait, dans l’immense majorité des cas nous nous apercevons que l’artiste a fait les Beaux-Arts, qu’il a déjà été exposé. Cela conforte nos intuitions.

Quelle est la gamme de prix des œuvres que vous proposez ?

Les œuvres les plus onéreuses atteignent 5.000 euros, mais nous vendons des sérigraphies à partir de 100 euros. Nous voulons proposer des artistes cotés à petits prix. C’est encore possible avec des peintures de graffeurs urbains. Il y a des artistes qui vendent des tableaux à 40.000 euros, à qui nous demandons de travailler sur des sérigraphies. Nous voulons permettre à notre clientèle de posséder un artiste qu’elle apprécie, à petit prix, en série limitée. La notion de série limitée est primordiale, malgré notre volonté de proposer des prix accessibles, nous ne sommes pas un supermarché !

Par exemple pour Chanoir, qui est vraiment côté, nous avons des toiles proposées autour de 4.000 euros, mais parallèlement nous vendons des pièces uniques, des dessins, qui sont à 490 euros.

Quelle est votre clientèle ?

Il s’agit essentiellement de la « génération XY », c’est-à-dire entre 30 et 45 ans. Notre clientèle est par ailleurs plutôt masculine. Cela ne parle pas à des gens trop âgés, c’est un segment très générationnel. Parmi nos clients, il y a des collectionneurs, mais aussi des amateurs, qui ont besoin d’être guidés.

Votre point fort est donc de pouvoir conseiller ces acheteurs relativement jeunes et parfois non-initiés…

Oui, les gens sont encore hésitants à investir dans le street art — même de petites sommes. Ils ont besoin d’être rassurés, de connaitre l’historique de l’artiste sur le marché de l’art, sa légitimité. Le travail de biographie et d’historique que nous faisons sur notre blog est donc primordial pour les clients. Les ventes aux enchères légitiment par ailleurs souvent les artistes auprès du grand public. Lorsqu’un client commence à acquérir des œuvres d’un artiste, il est important de faire le suivi, de continuer à lui fournir des informations sur l’artiste en question, lui montrer qu’il ne s’est pas trompé.

C’est là que notre intervention est essentielle, dans le sens où nous offrons « une garantie » à l’acheteur. Nous voulons proposer des œuvres qui, outre leur aspect esthétique, sont un véritable investissement. Nos clients comprennent que les pièces en ventes sur Strip Art peuvent, au-delà du coup de cœur, être considérées comme un réel placement.

De notre côté nous sommes rentables après deux ans d’activité.

La jeunesse des amateurs de Street Art amène donc à être optimiste sur le développement de ce marché !

Certains pensent qu’il s’agit d’un phénomène de mode, mais je suis persuadé que la place du street art au sein du marché de l’art va encore considérablement croître. Ce qui m’intéresse c’est ce qui se passe lorsqu’un artiste quitte les murs de la rue pour s’exprimer sur une toile.

Certains artistes ont déjà une cote très élevée comme Banksy ou Os Gemeos.

Comment sélectionnez-vous les artistes que vous représentez ?

Il s’agit essentiellement d’artistes que nous découvrons ou rencontrons grâce au bouche-à-oreilles, à notre réseau. Concernant notre relation avec les artistes, nous demandons l’exclusivité uniquement sur certaines œuvres à partir desquelles sont réalisées des sérigraphies. Nous demandons l’exclusivité des œuvres que nous choisissons pour notre clientèle pendant un certain temps.

Quels sont vos supports de communication ?

Nous communiquons principalement par le biais de notre blog, des réseaux sociaux. Nous sommes sûrs de ce que nous présentons, et le bouche-à-oreille nous permet de gagner en visibilité. Nos choix paraissent être validés puisque nous sommes sur le point d’être rentables.

Nous initions les gens aux street art puis à l’art Urbain. Beaucoup suivent avec attention les artistes que nous leur faisons découvrir sur notre Blog. Nous présentons des artistes avec biographie, photo, vidéo et parfois avec un historique de leur dernière exposition ou leur cote en maison de vente. Parfois nous proposons une collaboration avec les artistes que nous présentons, c’est l’occasion d’offrir à notre clientèle l’opportunité d’acheter sur notre site directement des toiles ou des sérigraphies de l’artiste qu’elle vient de découvrir.

Art Media Agency

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