Othello au Vieux-Colombier, une rage aplanie
Othello de Shakespeare Mise en scène de Léonie Simaga Avec Alain Lenglet, Celine Samie, Jerome Pouly, Laurent Natrella, Elsa Lepoivre, Christian Gonon, Bakary Sangaré, Nazim Boudjenah, Noam Morgensztern et Pauline Méreuze Le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h, dimanche à 16h, relâche lundi Tarif : de 9 € à 31 € Réservations par téléphone au 01 44 39 87 00 / 01 Durée : 3h Théâtre du Vieux-Colombier |
Jusqu’au 1er juin 2014
La tragédie shakespearienne de la jalousie tangue dans cette mise en scène entre des affres démoniaques et des faiblesses répétées. La puissance textuelle perdue dans l’insuffisance du plateau en font un spectacle inégal. Iago est rusé, maléfique, perfide. Toutes les habiletés seront déployées pour semer le trouble dans le cœur d’Othello. Jour après jour, il manipule tantôt Emilia la servante, tantôt Roderigo le désespéré amoureux, ou Cassio, naïf et sincèrement épris de Desdémone mais aveuglé. Il utilise chaque détail, il retourne le moindre fait contre Desdémone, dérobe un mouchoir pour avoir une preuve, tend un piège mortel pour éveiller des soupçons, et tient à Othello le langage qui corrompt le cœur. Pas à pas, de jour en jour, il distille le poison de la jalousie. Et arrive ce qui devait arriver. La force d’Othello s’effrite, son assurance se rompt, il devient plus que soupçonneux, il acquiert la certitude que Desdémone le trahit. Shakespeare nous donne d’assister à la violente destruction d’un homme bon en touchant la simple corde de la passion amoureuse et de la démesure du désir. Le mal infiltré gagne inexorablement et rien ne résiste à l’emprise de cette furie. Othello perd son aura de guerrier qui l’avait introduit dans les sphères du pouvoir et qui avait fait oublier sa différence. Fou, ravagé, il redevient le dissemblable, le barbare, au point de devenir le meurtrier de ce qu’il aime le plus au monde. C’est Léonie Simaga, sociétaire du Français depuis 2010, qui a réalisé la mise en scène de ce drame. De la première scène à Venise jusqu’à celles de Chypre ou les tableaux en de fastueux palais, elle opte pour un décor d’abord sombre et grisâtre puis plus lumineux mais toujours lourd, chargé de hautes murailles et d’éléments réalistes tels qu’une longue table métallique où s’allonge la fraîche et candide Bianca, habillée d’une robe rouge. Il faut attendre les dernières minutes pour que la scénographie avec brassage de costumes d’époque affirme une tonalité en prise directe avec la tension tragique. Mais comme si c’était trop tard, Othello y apparait comme étant plus las et fatigué qu’au paroxisme de la jalousie. Dans ce rôle quasi mythique, Bakary Sangaré impose il est vrai fortement sa carrure à l’égal du héros de même que sa voix grave participe au trouble et à la montée poignante. Cependant, tout au long de la pièce, son phrasé monotone écrase les multiples facettes du personnage et occulte la progression du ravage. En face de lui, Iago interprété par Nâzim Boudjenah enrobe le diable d’une intéressante légèreté. La ruse y est souple, à l’image des sauts agiles du comédien, et ce cabris terrifiant occupe le plateau avec un sens moderne de la bouffonnerie. Autour de lui, l’équipe, malgré de forts accents shakespeariens maîtrisés et intelligemment nuancés, peine à donner le meilleur dans cette direction qui manque de poigne et de souffle. Les femmes quant à elles, sans doute parce qu’elles ont des rôles de sincérité ou de victimes qui tranchent sur la lourdeur prédominante en cette mise en scène, dégagent de magnifiques instants.
Emilie Darlier-Bournat |
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