Entretien avec Samuel Benchetritt et Anna Mouglalis pour “Un Voyage”
Un voyage Avec Anna Mouglalis, Céline Sallette, Maaike Jansen, Yann Goven Durée : 87 min |
Ils nous ont reçus à l’Hôtel Amour dans le 9ème arrondissement de Paris. Le beau lieu pour parler de ce film qui décline le sentiment amoureux avec tant de force viscérale.
SB – Les deux bien sûr. Le budget a été très serré. Nous avons tourné très rapidement. Donc des plans très longs comme celui où Mona file vers le lac, il était plus simple de les faire en la filmant de dos que de face. Filmer en reculant avec une caméra, c’est quand même plus compliqué. Et puis ça donne au film un caractère plus spirituel, plus métaphysique. Plus pudique aussi, même si c’est un film qui va au-delà de la pudeur et se situe dans le ressenti. Vous avez conscience lorsque vous écrivez vos histoires qui sont déjà assez loufoques que vous « tenez » des scènes qui sur l’écran vont durablement marquer la mémoire des spectateurs ? Je pense en particulier à cette séquence incroyable où Marie Trintignant chante le titre de Janis Joplin dans « Janis et John », ce dialogue quasi surréaliste entre Bashung et Arno dans « J’ai toujours rêvé d’être un gangster » ou ce moment en pleine montagne dans « Un voyage ». SB – Non pas vraiment. Même si lorsqu’on écrit, on visualise bien sûr tout ça dans sa tête. On ne peut s’empêcher en voyant « Un voyage » de penser au film de Stéphane Brizé, « Quelques heures de printemps » même s’ils sont trés différents, voire assez radicalement opposés dans leur forme. SB – C’est le même documentaire qui nous a servi de point de départ à tous les deux mais rien de plus. Je n’ai pas vu le film de Brizé. Mais il me semble que ce qui les rapproche, c’est non seulement la fin mais aussi le fait que tout l’intérêt réside dans ce qu’il se passe avant. L’euthanasie n’est finalement qu’anecdotique, un prétexte et c’est la relation entre les deux personnages avant la scène de la clinique qui prime. « Un voyage » est assez typique de ces films dont on peut penser qu’ils ont donné libre cours à beaucoup d’improvisation. Qu’en est-il ? SB – J’ai souvent laissé tourner la caméra, oui. Mais sans pour autant faire dans l’improvisation. Le scénario était au contraire très écrit. Anna, votre rôle est un des plus forts de votre carrière. On se prépare comment pour jouer un personnage aussi torturé ? Y’a-t-il des modèles de jeux d’actrices auxquels vous vous êtes référés ? On pense souvent à Monica Vitti chez Antonioni ou Gena Rowlands chez Cassavetes Samuel : plus Antonioni que Cassavettes, je pense. Anna : oui, c’est vrai. Mais non, je ne me suis pas posé cette question d’un point de vue cinéphile. Je me suis surtout documentée sur l’état d’esprit dans lequel se trouvent des femmes qui vont vivre cette expérience. La présence de Raphaël qui vous a composé une très belle musique peut étonner même si on connait votre mélomanie qui s’affiche clairement notamment dans vos deux premiers films… SB – Pour moi c’est le plus doué de sa génération. J’avais déjà travaillé avec lui sur un clip et c’est devenu un ami très proche. [Photo : Anna Mouglalis lors de l’avant-première du film] |
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