Rencontre avec Agnès Thurnaeur
Agnès Thurnaeur “Now When Then, de Tintoret à Tuymans” Jusqu’au 11 mai 2014 Exposition personnelle Jusqu’au 24 avril 2014 |
L’exposition “Now when then, de Tintoret à Tuymans” au Musée des Beaux-Arts de Nantes s’articule autour de dix tableaux, une sélection de portraits où Agnès Thurnauer dialogue avec les peintres. La galerie de Roussan à Paris, consacre également à l’artiste une exposition de ses œuvres récentes, jusqu’au 24 avril.
C’est la féminisation des noms d’artistes dans un acte militant qui a fait connaître Agnès Thurnauer: Marcelle Duchamp, Francine Picabia… Mais son inventivité n’est pas tant dans la peinture au féminin que dans la mise en abyme du langage pictural. “Buren, c’est la bande, Toroni, c’est la touche, Lavier, c’est la couche, Hantaï, c’est le pliage… Malgré tout le respect que j’ai pour eux, cela revient trop souvent à fermer la peinture sur sa propre loi, et non à l’ouvrir au monde.” A 52 ans, l’artiste en est convaincue, la peinture ne se réduit pas à un signe. Quand Agnès Thurnauer entre en correspondance avec Madame de Senonnes d’Ingres au musée des Beaux-Arts de Nantes, elle capte les jeux de lumière dans les reflets des étoffes de soie et fait l’éloge de l’élégance à la française. Une figure aussi gracieuse que celle de L’Olympia de Manet, elle-même inspirée par la Vénus d’Urbin (1539) du Titien, qui fit scandale en 1863, jugée “pas assez jolie” par la critique. Agnès Thurnauer insiste sur le regard direct du modèle. Sous un raffinement affiché, elle rentre résolument dans la peinture donnant ses lettres de noblesse à l’art au féminin, à l’instar d’ORLAN et d’Annette Messager. Acrylique, allégorie, annonciation, artifice… peut-on lire sur la toile Peinture somnambule (2013) d’Agnès Thurnauer exposée à la galerie de Roussan. Tel un voile, l’écriture recouvre entièrement la surface du tableau. Un tissage de mots au contact du corps qui masque à peine d’un halo verdoyant, le corps dénudé du modèle, l’artiste elle-même vue de dos, montrant avec audace la caricature d’une culotte de cheval. Face à la masculinité imposante de la peinture, elle oppose ainsi une image crue et assumée de la femme… Quel culot ! Plus loin, tout le long du mur de la galerie, Matrice (2013), une sculpture-installation au sol composée de moulages de lettres de l’alphabet en résine. L’artiste a mis en scène des fragments, brisures comme autant d’ouvertures, de brèches dans l’espace. La présence de l’écriture est omniprésente dans son travail. Elle apparaît notamment entre 2007 et 2009, dans ses prédelles – ou “près d’elle” -, en référence à ces petites peintures du XVIe siècle qui servaient de support aux panneaux principaux d’un retable. Parties basses, les prédelles ont souvent été désolidarisées du tableau. Par un rapide jeu de mots, Agnès Thurnauer associe l’aile de ses “près d’aile” aux quatre lettres E.L.L.E. mettant ainsi la métaphore visuelle de la palette en une du magazine ELLE. Par le mode citationnel, Agnès Thurnauer s’est approprié avec force et éloquence les formules masculines, donnant à entendre une voix de femme artiste. Clins d’œil à Gerhard Richter par ses dessins et ses écrits superposés, hommage à Jasper Johns dans une forme de systématisme, reconnaissance infinie à Edouard Manet d’avoir représentées des femmes peintres comme Victorine Meurent et Berthe Morisot. Agnès Thurnauer peut désormais s’extraire de la citation, les contours de son œuvre-langage étant déjà dessinés. Alexia Guggémos > Le site d’Agnès Thurnauer www.agnesthurnauer.net |
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