Les festins créatifs d’Elsa Guillaume
Mars 2014
Lauréate du Prix Icart-Artistik Rezo 2014, la jeune artiste Elsa Guillaume met en scène un univers singulier, peuplé de créatures étranges. Attention, talent à découvrir.
Une bête tentaculaire découpée en lamelles chirurgicales, dressées comme pour un festin. Des troupeaux de créature sans visages. Un scaphandre aux allures anciennes suspendu dans un temps incertain. Autant de céramiques dont la séduction naît d’une poésie de l’étrange et de l’inattendu. A seulement vingt quatre-ans, Elsa Guillaume possède déjà un univers aux contours cohérents. Cette diplômée des Beaux-Arts à l’énergie explosive cultive ce qui tranche et détonne. Non sans une pointe d’humour noir. « J’aime le mélange entre fascination et répulsion ; le décalage entre la beauté plastique d’un poulpe ou d’un oursin et le dégoût que j’aurais à le manger !», s’amuse-t-elle.
Ce qui lui plaît dans la céramique, l’un de ses champs d’expérimentation de prédilection ? «Ca peut être magique comme désastreux, mais on sent que le matériau est vivant, qu’il réagit. Il y a une dimension chimique passionnante !» Pour elle, la création est un artisanat puissamment organique, dans lequel gourmandise et goût du partage tiennent une part essentielle. «La cuisson, l’émaillage, tout cela rappelle un peu la cuisine, une de mes passions !, s’enthousiasme-t-elle.
Cette idée d’une tambouille qui se transforme me plaît, le fait qu’il s’agisse d’un processus expérimental concret, plutôt que d’un art très conceptuel qui ne me correspondrait pas.» La surprise (contrôlée) fait partie de son processus créatif. Certaines pièces sont cuites avant d’être découpées, et de révéler ainsi leurs entrailles. Le jeu entre extérieur et intérieur, visible et profondeurs cachées, est au cœur de son travail. La sobriété des couleurs (parfois contredite par l’explosion d’un rouge) souligne celle de formes épurées et mouvantes.
Ses sources d’inspiration, elle les puise d’abord à un vaste imaginaire collectif. Jules Verne, les récits d’exploration, les documentaires sur les fonds marins : tout cela affleure dans ses œuvres. Neiges, banquises, abysses marins sont autant d’horizons qui peuplent ses créations. L’illustration est l’une des premières amours de cette admiratrice de Quentin Blake ou de Joann Sfar – des livres pourraient en naître un jour ou l’autre. De ses propres voyages, nombreux, elle rapporte des carnets dessinés, comme un journal de ses étonnements, et autant de nouvelles pistes plastiques.
Mais les obsessions d’un artiste le suivent à la trace. L’un de ses derniers périples l’a menée au Japon. Au gigantesque marché au poisson de Tokyo, elle est restée fascinée par le découpage mécanique de thons – production à la chaîne de monstres sans têtes proches de ses propres créatures. Elle en a ramené des vidéos qu’elle pourrait, un jour ou l’autre, exploiter. A suivre.
A découvrir sur Artistik Rezo :
– Les œuvres d’Elsa Guillaume à l’exposition Tako Yaki
– Elsa Guillaume en résidence à la Galerie RX – Exposition Tako Yaki
www.elsaguillaume.com
[Visuels : Elsa Guillaume]
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...