0 Shares 1000 Views

De Mille / Cullberg à l’Opéra Garnier

11 mars 2014
1000 Vues
De Mille / Cullberg à l'Opéra Garnier

De Mille / Cullberg à l'Opéra Garnier::

De Mille / Cullberg  à l'Opéra GarnierDeux ballets bien différents réunis dans une même soirée. Reprise du ballet Fall River Legend de la chorégraphe américaine Agnès de Mille, qui met en scène le récit d’un meurtre sordide : une jeune fille tue son père et sa belle-mère à coups de hache ; et entrée au répertoire de l’adaptation de la célèbre pièce Mademoiselle Julie de Strindberg par la Suédoise Birgit Cullberg.

Beaucoup d’émotion dès l’entrée de Laetitia Pujol dans le rôle de l’accusée. La gracile danseuse étoile incarne la jeune parricide avec pudeur et intensité. Dans sa robe verte fluide au col fermé, frêle et délicate, presque désincarnée, elle semble déjà l’ombre d’elle-même face au gibet, quelques minutes après le verdict des jurés.

Véritable théâtre dansé puisqu’on y parle un peu et qu’on raconte beaucoup par le corps, le ballet dénonce l’oppression des petits drames de la vie quotidienne qui tournent en tragédie meurtrière. Les mains se tordent, le corps rigide ou contorsionné, les yeux sont exorbités. Tout révèle le mal être et l’étouffement de la jeune femme qui aspire à se libérer de l’emprise mortifère de son nouveau foyer après le décès de sa mère aimée.

La chorégraphie se déploie dans un décor très coloré du peintre de la société américaine, Edward Hopper. La marâtre et le père se balancent dans leur chaise à bascule le soir aux dernières lueurs estivales tandis que les jeunes filles avec allégresse accordent dans un quadrille populaire une dernière danse.

Comme dans un flash back cinématographique, l’accusée revit les étapes de cette mise à mort organisée. Laetitia Pujol, sans pathos, propulse le spectateur dans l’inconscient et le refoulé jusqu’à l’expulsion complète de toute la détresse accumulée. Un voyage très
douloureux pour une étoile aérienne.

En revanche, le ballet de Cullberg semble un peu dépassé. Il oppose, comme la pièce du même nom, les classes sociales et leur rapport à la domination : face aux pointes des nobles, les chaussures plates des valets évoluent dans une sorte de mascarade grossière.

De Mille / Cullberg  à l'Opera GarnierL’altière Aurélie Dupont, en Mademoiselle Julie, superbe de grâce et de distinction, est aux prises avec Jean, un parfait rustre, effronté, grossier, bruyant séducteur fanfaron, incarné merveilleusement par Nicolas Le Riche. Le corps contrit,les épaules basses, les bras en rond symbolisent cette première soumission aux ordres de la jeune châtelaine aux allures de chatte courroucée. Les rôles seront vite renversés.

On note un très joli moment de détresse de la danseuse étoile qui émeut la salle après la scène du “viol” jusqu’au tableau final. Vrai pantin désarticulé, la danseuse semble obéir aux De Mille / Cullberg  à l'Opera Garnierancêtres qui la jugent sur un petit air de petite boîte à musique tandis que les figures inquiétantes des tableaux s’animent et ordonnent le sacrifice final.

Quoique la pièce de Strindberg nous semble plus poignante, le couple a été très salué par la salle qui n’oublie pas que Nicolas Le Riche fera très prochainement ses adieux.

Marie Torrès

[Visuel : Anne Deniau / Opera de Paris]

Articles liés

« Le Moche » ou l’artifice d’une identité sans cesse questionnée
Spectacle
355 vues

« Le Moche » ou l’artifice d’une identité sans cesse questionnée

Au Studio de la Comédie-Française se joue une formidable fable qui questionne tous nos miroirs aux alouettes. Dans la peau d’un ingénieur condamné à l’échec en raison de sa laideur, Thierry Hancisse déploie son immense talent de transformiste scénique,...

Urban Art Fair 2025 : la première foire internationale dédiée à l’art urbain, fait son retour au Carreau du Temple du 24 au 27 avril
Agenda
149 vues

Urban Art Fair 2025 : la première foire internationale dédiée à l’art urbain, fait son retour au Carreau du Temple du 24 au 27 avril

La 9e édition de l’Urban Art Fair, événement international majeur dédié à l’art urbain, se déroulera du 24 au 27 avril 2025 sous la halle du Carreau du Temple. Au cœur de Paris, cet événement met à l’honneur l’art...

“Le Bétin” : une pièce de et mise en scène par Olivier Lusse Mourier sur la scène du Studio Hébertot
Agenda
118 vues

“Le Bétin” : une pièce de et mise en scène par Olivier Lusse Mourier sur la scène du Studio Hébertot

L’histoire hors du commun d’un petit garçon de 7 ans qui va renaître de ses cendres tel un phénix, à travers trois évènements – Un livre autobiographique, un film “La face obscure du soleil” qui vient de remporter le...