Ennio Morricone – Paris Bercy
En 2002, Ennio Morricone avait totalement envoûté et bouleversé le Palais des Congrès de Paris. Ce 4 février 2014, après douze années d’absence, il était de retour pour une date unique et pour faire frissonner Bercy, la baguette courant sur des partitions ayant rythmé quelques unes des plus belles œuvres cinématographiques des cinq dernières décennies.
Très souvent associé au cinéma de Sergio Leone, il a également composé pour Brian de Palma, Oliver Stone, Terrence Malick, Roman Polanski, Roland Joffé ou encore Pedro Almodovar. Ennio Morricone, compositeur et chef d’orchestre italien, a une signature musicale tout à fait singulière, nuancée d’humour, de poésie et de nervosité, que les mélomanes amoureux de son art savent identifier immédiatement. Ennio Morricone en quelques chiffres, ce sont plus de 50 ans d’une carrière hors du commun récompensée par un Oscar d’Honneur en 2007. C’est également une œuvre musicale de plus de 500 morceaux essentiellement créés pour le cinéma et dont il livre un florilège durant cette tournée exceptionnelle. Le spectacle intitulé « My life in Music » (Ma vie en musique) est divisé en cinq thèmes formant autant de pistes de lecture, promesses des moments magiques qui vont emplir le Palais Omnisports de Bercy : « Vie et légende », « Partitions diverses », « Mythe et modernité dans le cinéma de Sergio Leone », « Cinéma social » et « Cinéma lyrique tragico-comique ». Pas de décor, pas de fioriture. Les notes qui s’élèveront bientôt se suffiront à elles-mêmes. « Less is more ». L’arrivée des artistes est néanmoins impressionnante : près d’une centaine de chanteurs du chœur Kodaly suivis de quasiment autant de musiciens du Budapest Modern Art Orchestra. Chacun prend sa place en attendant le maestro, qui n’apparaîtra que près d’une demi-heure plus tard. Pas de première partie annoncée et pourtant le public doit supporter un documentaire beaucoup trop long dans lequel Ennio Morricone partage sa conception de la « musica assoluta », désignant sa musique de concert, et abordant aussi la « musica applicata », appliquée aux musiques de film. Ce sera le seul bémol de la soirée, rapidement oublié dès l’entrée en scène du compositeur, accompagnée de quelques sifflements de spectateurs impatients et surtout désireux d’écouter ses légendaires morceaux. Silence. Bercy, plein à craquer, retient son souffle. C’est avec le thème des « Incorruptibles » qu’Ennio Morricone ouvre le concert. Les écrans géants projettent les titres des films mais aucune image. Chacun est ainsi libre de laisser vagabonder son esprit et d’apprécier pleinement la musique. Le silence qui règne dans la salle est quasi-religieux, plutôt rare dans cet endroit. Personne n’ose applaudir entre les morceaux qui s’enchaînent, comme lors des grands récitals classiques. Des frémissements sont palpables lorsque montent les accords annonçant « Le Clan des Siciliens », puis vient le tour de la saga des « Il était une fois… », … en Amérique ou … dans l’Ouest. Ce premier volet s’achève magistralement avec « Ecstasy of gold » dont les premières notes de piano et de clarinette provoquent rapidement des réactions de joie. Cet extrait du chef d’oeuvre « Le bon, la brute et le truand » est porté par la puissance du chœur et la voix cristalline de la divine soprano Susanna Rigacci qui font vibrer d’émotion la salle tout entière. Extase totale et première ovation. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=jy89Wz6YJrM[/embedyt] La merveilleuse musique d’Ennio Morricone emporte grâce à des envolées fantastiques de cordes, violons et violoncelles, souvent doublées par la rondeur des voix du chœur, captive par la présence des cuivres, clarinettes, flûtes traversières, envoûte par le rythme des percussions ou encore surprend par le choix d’instruments décalés comme la flûte de pan, la guimbarde, l’harmonica. La seconde moitié du spectacle débute par la délicieuse mélodie du Professionnel, saluée par des manifestations enthousiastes et se termine en beauté par quelques extraits grandioses de Mission, en passant par d’autres célèbres compositions de son répertoire mythique. Le spectateur voyage dans l’œuvre de l’artiste, traverse le temps, est transporté du Far Ouest à la Sicile, de New York à l’Amérique Latine. L’émotion est palpable lorsque le concert touche à sa fin et les spectateurs acclament toujours plus fort ce discret petit monsieur, monstre sacré des bandes originales de films. Nouvelle standing ovation pour féliciter Ennio Morricone, légende vivante de 85 ans. C’est à l’issue de plus de deux heures de concert, trois rappels et une dernière ovation que le maestro quitte la salle en toute simplicité, ses partitions sous le bras, accordant un dernier signe de la main au public encore sous le choc de cette expérience inoubliable. Alexandra Ferrero |
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