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Elvira Madigan – drame de Bo Widerberg

6 février 2014
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Elvira Madigan - drame de Bo Widerberg

Elvira Madigan

De Bo Widerberg

Avec Pia Degermark, Thommy Berggren et Lennart Malmer

Durée : 91 min.

Ressortie en version restaurée en salles le 29 janvier 2014

Ressortie le 29 janvier 2014

Après la rétrospective consacrée à Bo Widerberg au Festival d’Angers 2014, Le Péché Suédois (1963), Elvira Madigan (1967) et Adalen 31 (1969), parmi les meilleurs films du chef de file de la Nouvelle Vague suédoise, ressortent en version restaurée au Cinéma Action Christine.

« Pour moi, ce brin d’herbe, c’est le monde entier », répond Sixten à son camarade de régiment. Cette réplique synthétise très justement Elvira Madigan, chef-d’oeuvre tragico-romantique du critique et cinéaste scandinave.

Inspiré d’un fait divers suédois de 1889, le film retrace la folle histoire d’amour d’un couple illégitime formé de la danseuse funambule, Elvira Madigan, et du lieutenant de l’armée suédoise dénommé Sixten Sparre. Ces derniers en proie aux doutes quittent tout afin de vivre leur amour librement..Dès lors, les amants déserteurs mènent une vie de bohème et oublient le reste du monde. Ces derniers expérimentent la périlleuse autarcie amoureuse. L’amour fou enflammant ce tandem que tout oppose, rend littéralement flou tout élément extérieur. Véritable célébrité du cirque Madigan, Hedvig Jensen, plus connue sous son nom d’artiste Elvira Madigan, est peureuse sur le sol. Paradoxalement, marcher sur un fil est une sorte d’équilibre pour la jeune fille. En effet, sur ce même fil, Hedvig fait preuve d’une grande intrépidité. Lors de cette envolée bucolique, elle en cherche constamment un, jusqu’à utiliser une corde à linge pour ses acrobaties. Quant à Sixten Sparre, il appartient à une riche famille aristocratique. Lieutenant, mari et aussi père de famille, il déserte l’armée par amour pour Elvira et pour éviter une pression sociale insupportable.

Selon Sixten, l’amour et plus précisément Elvira a altéré sa vision. Sa relation amoureuse avec Elvira lui permet d’emprunter son regard, de voir et sentir le monde comme elle. « C’est ça l’amour, non ? », hésite-t-il à affirmer à son camarade de régiment. Le reste du monde ne fait que graviter autour de ce couple et ose à peine s’immiscer entre ces fascinants partenaires. De nombreuses personnes observent voire espionnent l’intimité de ce couple éperdu d’amour et filmé dans les moindres détails. Le réalisateur filme les amants interdits sous toutes les coutures ou plutôt couches de peau: de l’épiderme à l’hypoderme. Ainsi, le spectateur devient lui aussi témoin de ce cirque amoureux et flirte avec le voyeurisme.

Le cinéaste dépeint à merveille les plaisirs de la vie à deux: manger, faire l’amour, buller etc. « Dans le film, on voit le jeune couple assis sous un arbre. Ils boivent du vin et mangent du pain frais et du fromage. Je voulais que le public sente l’odeur de ce pain », précise Widerberg au New York Times en 1969. Ce film est une ode à la peinture et plus particulièrement au mouvement impressionniste. Chaque scène est proche d’une composition picturale. Certaines scènes de repas évoquent le fameux Déjeuner sur l’herbe de Manet et les balades dans la prairie ressemblent étonnamment aux toiles de Monet. Quant aux robes d’Elvira, elles rappellent celles portées par les modèles de Renoir. Tel un peintre, Widerberg travaille sans lumière artificielle et parvient à maîtriser et même sublimer la lumière naturelle. Qui plus est, il joue avec des éléments visuels afin de prévenir le spectateur de cette passion dangereuse. Le vent évoque la tourmente des sentiments. La tache de vin rouge sur la nappe annonce la mort de cet impossible amour.

Cette vie d’amour et d’eau fraîche n’est pas satisfaisante. « Ne parle pas d’amour. Ca ne nourrit pas », prédit Elvira. Hélas, cette phrase sonne le glas de cet amour passionnel. « Pour moi, il est le dernier » clame-t-elle au camarade de Sixten, comme si elle savait que leur relation amoureuse lui serait fatale. Primé à Cannes, cet artiste humaniste et profondément libre comme les protagonistes de ses œuvres, a créé un cinéma sensoriel, engagé et surtout lucide.

Lucile Walther

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