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Jack et la mécanique du cœur

5 février 2014
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Jack et la mécanique du cœur - film d'animation

Jack et la mécanique du cœur

De Mathias Malzieu et Stéphane Berla 

Voix de Mathias Malzieu, Olivia Ruiz, Emily Loizeau, Rossy de Palma, Arthur H, Grand Corps Malade, Jean Rochefort et Babet

Durée : 94 min.

Sortie le 5 février 2014 

Sortie le 5 février 2014

Stéphane Berla et Mathias Malzieu réalisent ensemble une sublime adaptation du roman et de l’album du second. Fascinant, poétique, le résultat est une émouvante fable sur l’imperfection charmante de l’humanité, « bricolée mais qui marche ». Une mécanique à remonter à tout âge.

Edimbourgh, 1874. Le jour le plus froid du monde, une jeune femme gravit la colline qui surplombe la ville. Là se trouve la demeure du Dr Madeleine, une mystérieuse femme que l’on dit un peu sorcière et qui répare ceux que l’existence a meurtris. La jeune femme donne naissance au petit Jack. Mais le temps est si glacial que le cœur de l’enfant a gelé. Le Dr Madeleine a l’idée ingénieuse de remplacer le palpitant défaillant par une horloge. Là commence la malédiction de Jack, car vivre ne lui sera désormais possible qu’à condition de respecter trois règles : ne pas toucher à ses aiguilles, maîtriser sa colère et surtout, surtout, ne jamais tomber amoureux. La rencontre avec le monde extérieur, sous la forme d’une petite chanteuse myope, pourrait alors bien mettre fin à l’enfance, au risque de briser la fragile mécanique du cœur…

La Mécanique du Cœur, c’était d’abord un superbe roman signé Mathias Malzieu, le chanteur survitaminé du groupe Dionysos. Le roman inventif, écrit dans une langue extrêmement poétique, se prêtait naturellement à la mélodie, et il était devenu quelque temps plus tard un album du groupe Dionysos. Aux voix de Mathias Malzieu et Babet, aux instruments de Miky Biky, Rico, Guillermo et Stephano se mêlaient alors celles d’Olivia Ruiz, Grand Corps Malade, Arthur H, Alain Bashung, Rossy De Palma, Emily Loizeau, et Jean Rochefort, pour faire exister en musique le conte très personnel du chanteur-écrivain. La richesse de l’imaginaire que recélait cette histoire ; le véritable travail de mise en scène qui émanait de l’album, à la fois dans l’agencement des voix et des chansons ; l’univers fantasmagorique et très visuel du groupe qui donne depuis toujours une dimension spectaculaire quasi-légendaire à leurs concerts ; tout cela appelait presque naturellement une adaptation cinématographique. Mais le pari en était d’autant plus risqué ; comment s’approprier une œuvre aussi personnelle et déjà aussi riche d’évocations pour le public ? Il est aisé de comprendre que la résolution de ce problème ait nécessité six ans à Stéphane Berla et Mathias Malzieu, soutenus par EuropaCorp, la société de production de Luc Besson.

Le résultat final est un enchantement, une féérie dont on ne peut détacher les yeux et qui vous emporte de péripétie en péripétie dans un univers en constante métamorphose. L’un des enjeux fondamentaux de l’adaptation était de retranscrire cinématographiquement les métaphores et jeux de langage qui, un peu comme chez Lewis Caroll, structuraient le roman. Les deux réalisateurs apportent à cette question une réponse aussi intelligente que ludique, en variant les styles d’animation, de la technique des papiers découpés à la 3D en passant par une scène de train en origami à couper le souffle. Ce choix, cette attention portée à chaque élément du décor et du style, sont essentiels pour rendre l’un des aspects les plus fondamentaux de cette histoire d’éclopés sentimentaux ; la notion d’incomplétude de l’être humain, ce côté bricolé de l’existence qui ne s’épanouit que dans l’amour.

A ce titre, le personnage de George Méliès, « l’homme sans trucage qui rêvait, cela dit, jour et nuit d’en devenir un » est primordial. Prestidigitateur et réalisateur, il mit ses talents de magicien au service de la création cinématographique en mettant au point les premiers effets spéciaux de son histoire, faits de bric et de broc. Dans Jack et la Mécanique du Cœur, il est alors le passeur d’univers idéal, figure tutélaire de l’enfant au cœur truqué, qui lui apprend à vivre ses rêves et à construire son existence comme il crée ses films ; c’est-à-dire en la micmaquant au fur-et-à mesure de ses divagations et émotions poétiques.

Le film réinvente alors l’histoire originale comme il réinvente le cinéma et le personnage de Méliès, notamment au cours d’une scène de projection d’un Romeo et Juliette sous-marin d’une tendresse irrésistible. Et c’est en cela que l’adaptation prend tout son sens, car au lieu de se contenter d’une simple illustration du roman, elle en explore les recoins cachés, les non-dits, les potentialités les plus cinématographiques et y apporte chaque fois une réponse différente en matière d’animation. Ce qu’exprime alors le regard si vivant de ces personnages bancals, en quête d’eux-mêmes et qui s’aiment maladroitement, c’est alors quelque chose de terriblement émouvant, qui nous parle en réalité de notre propre humanité incomplète, mal-finie, balbutiante, bricolée, parfois totalement insensée, mais dont l’aspect le plus magique est sans doute la rencontre.

Raphaëlle Chargois 

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