Dave Saint-Pierre – Théâtre de la Ville
La Pornographie des âmes Les 6, 10 et 14 février 2014 à 20h30 Durée : 2h30 Un peu de tendresse bordel de merde ! Les 7 et 11 février 2014 à 20h30 Durée : 1h45 Foudres Les 8, 12 et 15 février 2014 à 20h30 Durée : 2h 1ère catégorie 26€ Théâtre de la Ville |
Du 6 au 15 février 2014
Le nom de Dave Saint-Pierre fait frémir ou jubiler, c’est selon. Le Québécois revient au Théâtre de la Ville avec la totalité de sa trilogie de fresques vivantes, dans l’esprit des Actionnistes viennois ou de Marina Abramovic, revus par les Marx Brothers. Sans pitié et pourtant toujours tendre, son regard sur nos relations affectives devient un miroir quelque peu déformant. Mais sur le fond on trouve la même acuité que jadis, chez un certain Marivaux. Le désenchantement en plus, mais Dave ne fait que s’en amuser. Si toutes les blagues sont permises, elles ne s’arrêtent jamais à la surface. Foudres, donc ! Longtemps, la nouvelle pièce n’avait pas de titre. Il n’en trouvait pas et ça ne lui posait aucun problème. Aussi confirmait-il à quel point il réussit à penser en dehors des chemins balisés: « Je préfère qu’il n’y ait pas de titre plutôt qu’un titre approximatif. Si ça vient dix ans en retard, ce sera dix ans en retard. C’est drôle, parce que beaucoup de gens me disent combien c’est important d’avoir un titre. Je trouve que c’est moins important. Les gens viennent voir le spectacle quand même et sont touchés. Ils savent ce qui les attend quand ils vont voir un spectacle de Dave St-Pierre. » En effet, sa réputation n’est plus à faire. La nudité, les perruques, les cris, les gifles, le contact direct avec le public parfois… Avec sa trilogie foudroyante, le Québécois s’attaque directement au manque de chaleur et d’humanité entre les humains de notre époque. La violence sous-jacente est retournée comme un gant et mise à nu. A ce titre, les deux premiers volets frappent dès l’affiche. D’abord La Pornographie des âmes. Ensuite ce cri, plein d’autodérision et d’autant plus révolté : Un peu de tendresse bordel de merde ! De quoi traite Foudres ? « De l’amour et de la mort, d’un coup de foudre qui ne réussit pas, de Cupidon et de sa déchéance. Quand Cupidon ne réussit plus à faire tomber les gens en amour, que fait-il ? Aussi, j’ai vingt Cupidon en scène. C’est un questionnement sur ce que l’amour implique aujourd’hui. Ce n’est pas pareil qu’il y a cinquante ans. Mes grands-parents sont restés ensemble toute leur vie. Dans mon entourage, tous les couples se séparent après deux ans. Jusqu’où a-t-on envie d’aller dans une relation ? Que donne-t-on, et que ne donne-t-on pas ? Il y a donc un questionnement sur la fidélité et la possessivité. » Dave Saint-Pierre, l’humaniste ? Le moraliste ? Ses spectacles montrent certaines réalités du corps, avec ses sécrétions, ses fluides etc. Bref, tout ce qu’on a l’habitude de refouler. Un Croisé de la vérité ? « Les gens n’ont pas de problème à regarder des personnes en sous-vêtements sur une affiche publicitaire. Mais quand on voit de la vraie chair sur scène, ça deviendrait choquant ? Je travaille avec de vrais corps. Dans La Pornographie des âmes, un garçon est très maigre, une fille obèse. Ce sont des corps ordinaires. J’aime bien quand des spectateurs me disent: J’ai l’impression de voir la fille qui travaille dans l’épicerie à côté de chez moi, donc autre chose que des acteurs. C’est pour cela que je fais ce métier, mettre en scène la normalité des corps, avec la chair en trop, avec des poils où il n’en faut pas, etc. » Dans ses créations, la violence est émotionnelle, avant d’être physique. Mais la référence à Marina Abramovic s’impose parfois, par exemple, quand des acteurs se frappent au visage des dizaines de fois, de façon chorégraphiée. Saint-Pierre réfute toutes accusations de malmener les interprètes. « Le créateur d’un spectacle n’est pas investi d’un superpouvoir. Pas du tout! Tout est question de confiance. Jamais je ne demanderai à un interprète de faire quelque chose contre son gré. C’est impensable. Mais en effet, il faut des fous furieux pour travailler avec moi, des gens qui n’ont pas peur d’aller au-delà de ce qu’ils ont appris, et qui vont dans des endroits d’eux-mêmes qu’ils ne connaissent pas. Nous nous poussons plus loin et nous nourrissons les uns les autres. Il est dangereux de participer à mes créations sans être absolument franc avec soi-même. Certains m’ont dit: « J’aimerais bien travailler avec toi, mais il faut d’abord que je règle des choses avec moi-même. » C’est nécessaire, sinon ce serait destructeur. Quand j’avais 19 ou 20 ans, je dansais dans des compagnies qui travaillaient au-delà de la pudeur et où nous nous parlions de manière très crue et franche. J’ai conservé ça. C’est très important. » N’y allez pas comme si vous alliez juste voir un spectacle. Il s’agit d’une traversée, d’une expérience. Certaines soirées au théâtre peuvent encore changer le cours d’une vie… Thomas Hahn [Crédits photographiques : Wolgang Kirchner // en haut : La Pornographie des âmes & en bas : Foudres] |
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