Edmond Roquier – le style, c’est l’homme
Book de l’artiste : edmondroquier.ultra-book.com |
Cette expression bien connue de Gide, voire galvaudée, correspond à merveille à la peinture d’abstraction lyrique d’Edmond Roquier. Homme bon, généreux, sa vertu se rend lisible au sens fort sur ses toiles de formats variables qui évoquent le sens latin originaire de vertu et de générosité, soit la force. Toutes d’acrylique repassées au vernis, ses œuvres dégagent le sentiment troublant de voir une multitude de choses, à l’instar de l’imaginaire vagabond de l’enfant devant les nuages. Ce qu’Edmond Roquier qualifie comme une grande liberté. Liberté acquise non point de rien, mais le fruit de longues études et d’évolutions mêlées de remises en question. Etudiant aux Beaux-Arts de Cherbourg, notre artiste, évidemment, commence à travailler sur les marines. Mais toujours avec ce style qui le caractérise; Edmond Roquier ne se satisfait pas du pur figuratif, car depuis toujours la patte faite d’envolées enthousiastes, aux couleurs froides et chaudes mélangées, se fait regard sur le monde plutôt que simple reproduction. De gracieux phénomènes émergent, où la douleur flirte allègrement avec la joie. Edmond Roquier est passé par de longs chemins, au hasard de rencontres et de détours qui l’amènent à son abstraction lyrique actuelle. Décorateur de cinéma, notamment sur Les parapluies de Cherbourg, il est passé par la peinture de bouquets à la mode impressionniste mais déjà habitées d’un trait personnel qui en dit, à l’instar de Morandi, long sur le pouvoir mystique des objets sur le monde. Après une période de rares présentations à Aix, où il se nourrit toutefois de la lumière chère aux peintres de la Provence, il s’installe en 2010 à Challain-la-Potherie. Il est accueilli chaleureusement, en plein cœur de ce village improbable au nord ouest d’Angers, par ses pairs. Car, eh oui, Challain-la-Potherie est un vivier d’artistes de trempe d’abstraction lyrique, Louis Harel et Poncaral. Tous trois passionnés par la période d’après guerre qui laisse enfin la liberté d’expression à ce mouvement réprimé par les allemands et les français durant l’occupation, ils se nourrissent de Georges Matthieu, de Zao Woo-Ki comme d’autres de poésie ou de vin, ainsi que l’écrivait Baudelaire… C’est aussi qu’on retrouve du Staël dans certaines œuvres de Roquier, en ces traits précis, nerveux, et à la fois emplis d’une élégie cathartique du quotidien. Poésie abstraite s’il en est, à coups de pinceaux brosses, de couteau, ou encore de tampon, sur acrylique puis vernis. Pleine de grâce, l’œuvre d’Edmond Roquier, à ce jour présenté à la Galerie Open Eyes, se verra probablement bientôt sur Paris. Ne la manquez pas, vous y perdriez ce supplément d’âme attaché aux hommes de générosité humaine. Ou quand la vertu se fait style… Bérengère Alfort [Visuels : courtesy de l’artiste] |
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