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Hervé Bernard – interview

15 novembre 2013
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Herve Bernard

Qui est Hervé Bernard ?

Hervé Bernard dit RVB, « Faiseur d’images » comme Peter Knapp me présente, écrire avec les yeux est mon métier. Ce métier ne se réduit pas à fixer ce qui s’inscrit dans mon viseur. Que je sois photographe ou vidéaste, je ne reproduis pas le réel, je le recrée, plonge dans ses racines, anticipe son évolution, je le fais surgir à notre conscience en inventant un monde qui est le nôtre. J’abolis la frontière entre l’image reportage et la création visuelle, pour susciter en nous une nouvelle perception du monde. Je cherche, à donner un sens à ces traces.

L’analyse de l’image est donc un prolongement naturel de cette démarche. C’est pourquoi, je parle de l’œil qui voit l’image et le cerveau culturel qui l’interprète. Dans Regard sur l’image, un essai illustré préfacé par Peter Knapp et un blog, je mets à nu toutes les transformations qu’elle subit, de l’instant où on la prend à celui où on la regarde.

Quel est votre parcours artistique, intellectuel ?

Mon parcours est à la fois artistique, technique et esthétique, comme le montre mon dernier livre intitulé Regard sur l’image, ces trois regards sont indissociables pour faire et comprendre les images. Plus largement, la littérature, la philosophie ont toujours tenu une grande place dans ma démarche.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Difficile de donner des noms quand on aime la diversité et le transversal. Cependant, dans le désordre et sans aucune hiérarchisation  : Bill Brandt, la Renaissance, les surréalistes, Malraux, Robert Musil, Camus, Lee Friedlander, Harry Gruyaert, la nature, la ville… Alain Resnais, Stanley Kubrick, Ingmar Bergamn, John Ford… .Jerry Uelsmann

Charles Baudelaire, j’ai d’ailleurs mis en image L’homme et la mer, un de ses poèmes, retravaillé son portrait par Nadar, et aussi créé une affiche à partir de photos de son cénotaphe.

Quel regard portez-vous sur l’art d’aujourd’hui ?

À mon sens, l’expression « Art d’aujourd’hui » concerne aussi bien l’art contemporain que la Renaissance, les Grottes de Lascaux, les Primitifs Flamands, la Figuration Narrative ou encore le paysage chinois, l’image de synthèse… Nous sommes dans un monde partiellement anachronique car l’ordre de nos découvertes ne correspond pas nécessairement à l’ordre chronologique des évènements.

La série « Inventaire – Hommage à / Inventory – Tribute to » répond partiellement et parfois ironiquement à la question de mon regard sur l’art et aussi à celle de mes sources d’inspiration.

Quels sont vos projets ?

  • « L’Écume de la terre », achever le quatrième volet de l’Écume de la terre (une vidéo) un projet comprenant une exposition photographique dont la maquette est réalisée ainsi que deux autres vidéos qui sont les deuxièmes et troisième volets de ce projet. Un extrait de ce travail a été présenté dans le cadre du 6e Forum Mondial de l’Eau à Marseille en 2012.

  • « En ligne droite », à propos de 30 ans de photographie sur le Jardin des Tuileries. Je dispose de 30 ans de photographie sur le Jardin des Tuileries, site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1991, ce Jardin est le lieu de formation et de démonstration de Le Nôtre et le laboratoire du jardin français classique. Il est aussi le prototype du jardin public occidental. Par ailleurs, comme l’indique le philosophe Jean-Louis Poitevin dans un article intitulé « En ligne droite » (revue en ligne TK-21) : « En cette période de réflexion sur le Grand-Paris, se tourner vers le Jardin des Tuileries peut permettre de mieux comprendre le rôle que jouent parcs et jardins dans la ville et la place qu’ils occupent dans le paysage urbain. Le jardin des Tuileries aura été la matrice de la grande perspective tracée et plantée suivant le dessin de Le Nôtre qui passe par les Champs-Élysées. » et sera ultérieurement prolongé par la Défense. Certaines de ces photos sont déjà dans les collections de plusieurs musées français.

  • « Et si c’était vrai…. /If it was true… », un projet à propos du réchauffement climatique et les villes côtières ou non, face à la montée des eaux. Actuellement, Paris et Amsterdam sont réalisés et j’espère avoir l’opportunité de travailler sur Berlin, Rome, Lisbonne….

  • « Dieu est-il une installation de télésurveillance ? La nouvelle Sainte Trinité  : protéger – surveiller – interdire ». Dans un monde où la religion opère son grand retour, cette installation (une vingtaine de triptyques, trois écrans vidéos connectés à trois caméras et une bande sonore d’une durée d’environ une heure) se situe à la frontière de la photographie sociale et de la photographie artistique. Ces triptyques outre notre rapport à l’autre interrogent notre rapport à l’image. Cette image fondée sur la perspective optique et sur le Purgatoire, qui, grâce au rachat de nos péchés, permis l’invention du libre arbitre et par conséquent de l’individu. La multiplication des interdits sous forme de panneaux de mise en garde ou d’interdiction dont le respect est assuré par des caméras de télésurveillance constitueraient-ils la nouvelle version du religieux de ce siècle dont André Malraux dit dans un de ses élans visionnaires  : « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas » ? De nos jours encore, malgré cette invention de la responsabilité individuelle, nombreuses sont les personnes qui vivent le religieux comme un système de mise en garde destiné à nous éviter tous faux pas. Ces caméras systématiquement disposées pour produire une image en plongée produiraient-elles une image similaire à celle du Moyen-âge ? Ainsi nous présenteraient-elles le point de vue divin sur le monde et feraient-elles de Dieu le Grand Surveillant? Le vivre ensemble devient-t-il un surveiller mutuel tandis que le protéger deviendrait interdire au profit d’un vivre ensemble devenu un espionnage quotidien. Cette pression sociale assurant le contrôle social nécessaire pour épargner à chacun d’entre nous, la question de notre responsabilité individuelle préférant nous protéger avec des barrières reflets d’une société de plus en plus barricadée dans une ultime tentative de se protéger d’elle-même ? « Protéger – interdire – surveiller » définirait-il la Sainte Trinité de cette nouvelle religion.

  • « Variation100 ou 10 appeaux à réel » est une série composée de 10 photographies, chacune déclinée en 10 variantes mises en place sur un support par image. Ce travail se situe en prolongation de mon essai Regard sur l’image et est une réflexion sur le contenu de l’image, son mimétisme. Certes l’image ressemble à la chose ou plutôt aux choses qu’elle représente, cette fameuse scène du crime mais l’image n’est pas seulement ressemblance, dans le cas contraire, elle serait d’un piètre intérêt.
Propos recueillis par François Terriez
 

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