Louis Jouvet
Jules Eugène Louis Jouvet naît le 24 décembre 1887, à Crozon (Bretagne). Orphelin de père à 14 ans, l’enfant part vivre dans les Ardennes, chez son oncle apothicaire. Il étudie la pharmacie et s’installe à Paris. Mais sa passion pour le théâtre a raison de sa carrière scientifique. Il se lance sans tarder dans la comédie, se produit dans différentes troupes et court les cachets pour le cinéma. Âgé de 25 ans, il épouse Else Collin, dont il aura trois enfants. Il est recalé à plusieurs reprises au prestigieux concours d’entrée du Conservatoire d’Art dramatique de Paris.
Repéré par Jacques Copeau en 1913, Louis Jouvet sera bientôt tout à la fois régisseur, décorateur, assistant et comédien au Théâtre du Vieux-Colombier. L’acteur adopte, à cette époque, sa fameuse diction syncopée, afin de masquer son bégaiement. Il se forge son jeu caractéristique, composé de mimiques, de regards furtifs et expressions uniques en leur genre.
Après la guerre, où il est mobilisé comme ambulancier et médecin auxiliaire, Louis Jouvet retrouve la troupe de Copeau. Mais les relations entre les deux hommes s’assombrissent. La rupture est consommée en 1922. Louis Jouvet est alors engagé par Jacques Hébertot, directeur au théâtre des Champs-Élysées et de la Comédie des Champs-Élysées. Il monte des spectacles en alternance avec Georges Pitoëff et s’illustre en tant que scénographe au Studio des Champs-Élysées.
C’est en 1923 que Louis Jouvet accède à la notoriété. Sa mise en scène de Knock ou le Triomphe de la médecine, de Jules Romains, représentée 1’500 fois à travers l’Hexagone, est un succès retentissant. L’acteur s’illustre à merveille à travers le personnage d’un docteur manipulateur. L’artiste est bientôt promu directeur de la Comédie des Champs-Élysées et fonde une association artistique, en 1927. Le « Cartel des Quatre », qui réunit Gaston Baty, Charles Dullin, Georges Pitoëff et Louis Jouvet, prône une poésie théâtrale propre et met en avant des auteurs contemporains. En 1928, Louis Jouvet se lie également d’amitié avec Jean Giraudoux. Le metteur en scène s’emparera de nombre de ses textes. L’artiste quitte, en 1934, la Comédie des Champs-Élysées pour prendre la tête du théâtre de l’Athénée. Il y triomphe, notamment avec ses mises en scène de Molière et de Giraudoux. Il refuse, à cette époque, la direction de la Comédie-Française.
Dans les années 1930, Louis Jouvet se produit également sur grand écran. Louis Gasnier lui offre son premier rôle dans Topaze, en 1932. Le metteur en scène adapte bientôt, avec Roger Goupillières, sa pièce à succès Knock ou le Triomphe de la médecine (1933). Il tourne avec Jean Renoir, dans les films Les Bas-Fonds, ou La Marseillaise, mais aussi avec Marcel Carné, Julien Duvivier ou Pierre Chenal. Il donne la réplique à nombre de stars, de Jean Gabin, à Arletty ou Michel Simon.
Le gouvernement de Vichy confie à Louis Jouvet, de 1940 à 1941, la responsabilité des grands théâtres français. L’artiste amorce ensuite une tournée, avec sa troupe, en Amérique latine. Sa propagande en faveur du gouvernement collaborateur déplaît à sa secrétaire Charlotte Delbo qui rentre en France en 1941 et rejoint la Résistance. Arrêtée en 1942, la malheureuse sera déportée à Auschwitz. Louis Jouvet rompt ses liens avec le France de Pétain en 1943.
A la fin de la guerre, Louis Jouvet reprend la direction du théâtre de l’Athénée. Il y monte La Folle de Chaillot, en 1945. En 1947, il se produit dans les films Copie conforme de Jean Dréville et Quai des Orfèvres de Henri-Georges Clouzot. Il tourne encore dans Entre onze heures et minuit de Henri Decoin (1948) ou Lady Paname (1948) de Henri Jeanson. Louis Jouvet s’entoure d’une nouvelle génération de grands noms du théâtre français, de Maurice Sarrazin, André Barsacq, à Jean-Louis Barrault ou Jean Vilar. Il découvre l’auteur Jean Paul Sartre et met en scène Le Diable et le Bon Dieu, en 1951, au Théâtre Antoine.
Louis Jouvet reçoit la Légion d’Honneur en 1950, peu de temps avant de s’éteindre, à Paris, en 1951. Il est frappé par un infarctus, en pleine répétition théâtrale. Ses célèbres petites phrases, « atmosphère, atmosphère », « Attention attention, est-ce que ça vous chatouille ou est-ce que ça vous gratouille ? », « Moi j’ai dit bizarre ? Comme c’est bizarre… », font vivre sa légende.
Jeanne Rolland
Filmographie
- 1932 : Topaze, Louis Gasnier
- 1933 : Knock, Louis Jouvet et Roger Goupillières
- 1935 : La Kermesse héroïque, Jacques Feyder
- 1936 : Mister Flow, Robert Siodmak
- 1936 : Salonique, nid d’espions ou Mlle Docteur, Georg Wilhelm Pabst
- 1936 : Les Bas-Fonds, Jean Renoir
- 1937 : Un Carnet de bal, Julien Duvivier
- 1937 : Forfaiture, Marcel L’Herbier
- 1937 : Drôle de drame, Marcel Carné
- 1937 : Ramuntcho, René Barberis
- 1937 : La Marseillaise, Jean Renoir
- 1938 : La Maison du Maltais, Pierre Chenal
- 1938 : L’Alibi, Pierre Chenal
- 1938 : Entrée des artistes, Marc Allégre
- 1938 : Le Drame de Shanghaï, Georg Wilhelm Pabst
- 1938 : Éducation de prince, Alexandre Esway
- 1938 : Hôtel du Nord, Marcel Carné
- 1939 : La Fin du jour, Julien Duvivier
- 1939 : La Charrette fantôme, Julien Duvivier
- 1939 : Sérénade, Jean Boyer
- 1940 : Volpone, Maurice Tourneur
- 1940 : Untel Père et Fils, Julien Duvivier
- 1946 : Un revenant, Christian-Jaque
- 1947 : Les Amoureux sont seuls au monde, Henri Decoin
- 1947 : Copie conforme, Jean Dréville
- 1947 : Quai des Orfèvres, Henri-Georges Clouzot
- 1948 : Entre onze heures et minuit, Henri Decoin
- 1948 : Lady Paname, Henri Jeanson
- 1949 : Miquette et sa mère, Henri-Georges Clouzot
- 1949 : Retour à la vie – Sketch « Le Retour de Jean », Henri-Georges Clouzot
- 1951 : Knock, Guy Lefranc
- 1951 : Une histoire d’amour, Guy Lefranc
Mises en scène
Théâtre du Vieux-Colombier
- 1920 : Le Médecin malgré lui de Molière
Comédie des Champs-Élysées
- 1923 : Knock ou le triomphe de la médecine de Jules Romains
- 1925 : La Jalousie du barbouillé de Molière
- 1928 : Siegfried de Jean Giraudoux
- 1929 : Amphitryon 38 de Jean Giraudoux
- 1931 : L’Eau fraîche de Pierre Drieu la Rochelle
- 1933 : Intermezzo de Jean Giraudoux
- 1934 : La Machine infernale de Jean Cocteau
- 1935 : Knock ou le triomphe de la médecine de Jules Romains
Théâtre Pigalle
- 1930 : Donogoo Tonka de Jules Romains
- 1931 : Le Médecin malgré lui de Molière
- 1931 : Judith de Jean Giraudoux
- 1931 : Le Roi masqué de Jules Romains
- 1931 : Le Médecin malgré lui de Molière
- 1931 : Judith de Jean Giraudoux
Théâtre de l’Athénée
- 1934 : Amphitryon 38 de Jean Giraudoux
- 1935 : Supplément au voyage de Cook de Jean Giraudoux
- 1935 : La guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux
- 1936 : L’École des femmes de Molière
- 1937 : Électre de Jean Giraudoux
- 1937 : L’Impromptu de Paris de Jean Giraudoux
- 1935 : La guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux
- 1938 : Knock ou le triomphe de la médecine de Jules Romains
- 1939 : Ondine de Jean Giraudoux
- 1945 : La Folle de Chaillot de Jean Giraudoux
- 1946 : L’Annonce faite à Marie de Paul Claudel
- 1947 : L’Apollon de Marsac de Jean Giraudoux
- 1947 : Les Bonnes de Jean Genet
- 1947 : Dom Juan de Molière
- 1949 : Ondine de Jean Giraudoux
- 1950 : Le Tartuffe de Molière
Tournée en Amérique latine (1941-1945)
- 1941 : La Jalousie du barbouillé de Molière
- 1942 : On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset
- 1942 : L’Apollon de Marsac de Jean Giraudoux
- 1942 : Le Médecin malgré lui de Molière
- 1942 : La Belle au bois de Jules Supervielle
- 1942 : Le Misanthrope de Molière
Comédie-Française
- 1937 : L’Illusion comique de Pierre Corneille
- 1938 : Cantique des Cantiques de Jean Giraudoux
Autres théâtres
- 1949 : Les Fourberies de Scapin de Molière, Théâtre Marigny
- 1950 : L’École des femmes de Molière, Théâtre des Célestins
- 1951 : Le Diable et le Bon Dieu de Jean-Paul Sartre, Théâtre Antoine
Bibliographie
- Molière et la comédie classique
- Tragédie classique et théâtre du XIXème siècle
- Témoignages sur le théâtre
- Réflexions du comédien
- Le comédien désincarné
- Écoute, mon ami
Citations
« Rien de plus futile, de plus faux, de plus vain, de plus nécessaire que le théâtre. »
« Condamnés à expliquer le mystère de leur vie, les hommes ont inventé le théâtre. »
« Le théâtre est l’exercice d’un métier, inaccessible à l’esprit, dans lequel on ne peut rien comprendre que dans l’épisodique, le fragmentaire, le momentané, car la loi est “l’explicable” et “l’inconnaissable”. »
« Le théâtre est le désordre incarné et pour faire l’éloge du théâtre il faut commencer par faire l’éloge du désordre. »
« Le théâtre rend aux hommes la tendresse humaine. »
« Un décor est un grand sentiment dramatique. »
« Il y a une hérédité de nous à nous-mêmes. » (Le Comédien désincarné)
« Le théâtre est une des ces ruches où l’on transforme le miel du visible pour en faire de l’invisible. » (Le Comédien désincarné)
« Comme il faut travailler pour être naturel ! »
« Moi j’ai dit bizarre ? Comme c’est bizarre… »
Knock de Jules Romain, adapté au cinéma par Guy Lefranc en 1951 (version intégrale)
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[Visuel : Portrait de Louis Jouvet sur une médaille bronze, 68mm, 1949. 21 janvier 2013. Travail perosnnel de Defranoux. This file is licensed under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license.]
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