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Amanda Sthers

15 octobre 2013
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Amanda Sthers

Pourquoi avoir changé de nom ?

J’avais deux noms, Queffélec (nom de ma mère) et Maruani (nom de mon père). je ne trouvais pas ça beau. Pour mon père, médecin psychiatre, cela aurait été compliqué d’avoir un enfant dans la lumière et Queffélec c’était compliqué par rapport à Yann Queffélec, cousin germain de ma mère. Et puis, j’ai eu envie d’avoir mon nom à moi, quelque chose qui m’appartienne. Amanda, c’est mon deuxième prénom et Sthers vient de Esther, prénom de ma grand-mère.

Vous dites de vous que vous étiez une vieille dans un corps d’enfant et que vous aviez l’âme grave. Est-ce toujours le cas ?

Quand on est enfant ou ado, on ne fait aucun compromis. ça rend malheureux. Alors oui, j’ai l’impression d’avoir commencé ma vie vieille. J’étais un enfant triste, très en attente qu’il se passe quelque chose dans ma vie. Et comme je suis très sensible et facilement en empathie, je continue à prendre les malheurs des gens à ma charge. Je les ressens. je les comprends. Mais aujourd’hui j’apprends à rire. Et plus je vieillis, plus je m’allège, la vie m’ayant formée à relativiser.

Qu’est-ce qui vous réjouit aujourd’hui ?

Tout. D’être en vie, d’avoir des enfants qui vont bien… Avant j’avais besoin de rendre les gens heureux pour être heureuse. Aujourd’hui, j’arrive à être heureuse toute seule. Je peux maintenant passer des après-midi seule sans sentir de malaise. J’ai grandi !

L’écriture vous a aidé à surmonter des mauvais moments ?

Oui mais pas celle que j’ai publiée, celle de mes carnets personnels. Je n’ai jamais confondu mon métier avec un cahier de doléances. Je n’écris pas sans filtre. Ce qui a l’air d’être autobiographique dans mes livres est toujours réinventé, digéré et retraité pour devenir de la fiction. Car il n’est pas question d’écrire pour me soulager, mais d’écrire quelque chose qui peut, éventuellement, soulager les gens.

Votre vie amoureuse, une partie en tout cas, a été médiatisée. Comment avez-vous vécu cela ?

Avec Patrick (Bruel) c’était un passage obligé. Ça ne pouvait pas être autrement puisque j’étais mariée avec une des personnes les plus connues de France. Ce n’était pas une partie de plaisir mais je le savais dès le départ – quand vous prenez quelqu’un, vous prenez aussi ses défauts. On a plutôt bien géré, avec humilité, à notre façon. On n’a, par exemple, jamais donné de photos de nos enfants. Pour le reste, je n’ai jamais donné de photos de moi avec mes compagnons, sauf dans le cadre professionnel.

Et ça continue. On vous dit régulièrement fiancée, attendant un autre enfant… que vous inspire cela ?

Ça a fini par me faire rire… après m’avoir beaucoup blessé. Je ne suis pas Madonna, je ne suis écrivain !

Élue par Vanity Fair d’ « écrivain la plus sexy du monde » quand même…

Quand j’ai su ça, je me suis dit ah ! ça vaut la peine d’écrire… Mais il y a pire dans la vie ! Et puis, ça part sans doute d’un très bon sentiment.

On vous sent à la fois douce et énergique. Comment vous définiriez-vous, vous ?

Très douce et très énergique ! Je suis aussi très à l’écoute. Par exemple, je n’aime pas notre exercice parce que je préférerais que ce soit vous qui me racontiez votre vie. J’aime les gens, les rencontres. Je peux ainsi me dire en voyant un visage qui m’intéresse « je voudrais tellement qu’on soit ami ». Ça n’a pas de sens mais c’est comme ça. Je suis curieuse des choses, des histoires des gens. Je suis aussi très mamma italienne. Et j’aime bien faire la cuisine car j’aime faire plaisir.

Quelle est votre principale qualité ?

C’est à mes amis qu’il faudrait le demander. Je pense que je suis généreuse. C’est aussi un défaut car je fais passer les gens avant moi, donc, parfois, à mon détriment.

Votre principal défaut ? 

Je suis intolérante avec plein de choses. Notamment avec la paresse. J’ai du mal avec les gens qui se laissent faire, sont passifs et ne se battent pas. Je bouscule beaucoup mes proches. Je ne laisse pas les choses arriver. Je n’aime pas la fatalité. Non, en fait, je suis exigeante plutôt qu’intolérante… mais à la limite du dictateur. Et j’ai du mal à supporter la bêtise. Politiquement, j’ai de plus en plus de mal à discuter avec les gens qui sont dans les extrêmes. Je ne leur trouve pas d’excuses.

Vous avez eu votre bac très jeune puis une maîtrise de Lettres et vous êtes partie aux USA. Une fois revenue en France, si l’on veut faire un raccourci de vos débuts, vous êtes passée de TFJ (Télévision Française Juive) où, pour « Histoires d’en parler », vous recueilliez les témoignages de réfugiés des camps… à l’écriture de Caméra Café. Un éclectisme pour le moins surprenant…

L’éclectisme est ma base. J’ai toujours été en adéquation avec la spectatrice et lectrice que je suis, qui passe de la comédie à l’émotion. C’est ce qui me motive et motive mon écriture.

Ça paraît facile ce démarrage. En clair, piston ou pas piston ?

J’ai une mère avocate et un père psy ! Ce n’est donc pas du tout leur monde ! D’ailleurs, j’ai beau leur dire que je peux leur avoir des invitations parce que je connais tous les directeurs des théâtres… ils continuent à acheter leurs places de théâtre ! Non, mes débuts à la télévision sont dus au hasard d’une rencontre avec le patron de la chaîne TLJ. Je lui ai dit ce que j’avais envie de faire. Il m’a dit banco… mais je n’étais pas payée. Quant à Caméra Café, j’avais remporté le prix junior du meilleur scénario au festival de Paris. Ça m’a fait repérer par un producteur et j’ai trouvé un agent qui m’a mis en compétition pour Caméra Café… qui n’avait pas d’argent pour payer ou très peu. Même si ça paraît facile, ce fut pour moi comme un long chemin de croix. Ma vraie chance est d’avoir évolué dans un milieu très intello. J’ai eu des livres entre les mains toute ma vie. J’allais au ciné, au théâtre et au musée. C’est bien plus important qu’un carnet d’adresses !

Quel regard portez-vous sur le théâtre et pourquoi avez-vous eu envie d’écrire des pièces ?

Longtemps, je n’ai pas aimé le théâtre parce que je ne trouvais pas ça crédible ! Je suis en effet d’une génération de cinéma. La, enfant, je croyais que l’on me racontait la vie vraie. Au théâtre, je ne ressentais pas d’émotion. Je pense qu’il faut s’éduquer au théâtre. Ainsi, quand j’ai découvert le travail de Patrice Chéreau et d’Olivier Py, entre autres, j’y ai eu mes plus grandes émotions. J’y ai aussi eu mes plus grands ennuis… ce qui m’a permis de comprendre que c’est l’intelligence du spectateur qui fait la pièce. C’est agréable d’être apprécié par des gens intelligents ayant leurs propres émotions, leurs propres expériences et leurs propres attentes.

Quel est le moteur de votre écriture ?

Je suis sous l’influence de mon plaisir de spectatrice ou de lectrice, de que j’ai envie de voir, de lire et de ce que j’ai envie qu’on me dise. Je cherche aussi une écriture très moderne, différente, avec mes propres règles et ma façon de voir les choses. La base de mon métier est d’être porteur d’émotions… mas j’ai besoin d’être émue quand j’écris.

Qu’aimez-vous voir, entendre, écouter ?

En musique, j’aime beaucoup le classique mais j’écoute du rock. C’est pareil au théâtre. Fidèle à ce qui s’est passé avant -sans Shakespeare il n’y aurait pas grand-chose de ce qu’il y a aujourd’hui – je suis très curieuse de nouveauté et je vais souvent au théâtre en Angleterre et à New York. J’ai déjà parlé de Patrice Chéreau et d’Olivier Py. La Mère et Le Père de Florian Zeller m’ont bouleversée. Je suis fière d’avoir un ami qui à ce talent-là. Et admirative car c’est quelqu’un de ma génération. En littérature, mon premier choc littéraire c’est Vian. Je me souviens de cette sensation presque charnelle avec J’irai cracher sur vos tombes. Avant même de découvrir ce que c’était que l’amour, je l’ai pressenti avec ce livre. J’ai compris avec la littérature ce qu’était la vie… et pas le contraire.

Avez-vous déjà pensé à la mise en scène ?

J’en ai fait puisque j’ai réalisé un film. Mais au théâtre, si je suis honnête avec ce que je ressens, je trouve formidable l’imaginaire d’un metteur en scène s’additionnant au mien. Parfois c’est même mieux que ce que je croyais. Alors, cela m’emballerait plus de mettre en scène une pièce que je n’aurais pas écrite… Mais je ne suis pas sûre d’en être capable. Peut-être, un jour…

Pour finir, voici quelques détails sur son actualité.

Les érections américaines « c’est un questionnement social : en quoi le drame de l’école de Sandy Hook est-il le symptôme d’une société qui souffre ? Ça m’a plus bousculée sociologiquement qu’émotionnellement même si cette histoire est dramatique » (il s’agit d’un forcené qui a tué vingt enfants et six adultes dans une école élémentaire,en 2012, dans le Connecticut).

Mur au théâtre de Paris porte sur les rapports chaotiques entre un Colonel retraité qui a besoin de silence pour écrire ses mémoires et une institutrice à la retraite qui fait ses débuts au piano.

50 et des nuances est le musical parodique de 50 nuances de Grey. « Les carnets secrets de Timothée Fusée » est un livre pour enfants. « C’est le versant masculin de Lily Lampion » (précédent livre d’Amanda adapté en comédie musicale).

Caroline Fabre

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