Mamela Nyamza & Soweto’s Finest – musée du Quai Branly
Ils sont jeunes, mais pas autant qu’ils ont l’air en dansant. Leur benjamin compte tout de même dix-huit ans, même s’il en fait nettement moins. Le plus âgé a vingt-six ans tout de même, et à Soweto ça commence à faire vieux. Aussi, il enseigne aux jeunes, dans la rue. A Paris, ils viennent en tant qu’ambassadeurs. Ils sont cinq garçons et une chorégraphe les prend sous ses ailes. Mamela Nyamza est elle-même une nouvelle découverte en Europe, mais elle commence à compter sérieusement dans le paysage artistique au Cap.
Bien sûr les jeunes de Jo’bourg ne dansent pas toujours dans la rue. Ils s’y entraînent et enseignent aux jeunes, mais ils se produisent souvent dans des show pour touristes. En fait, ils vivent de leur art. Mais leur art devient un produit. Et à Paris ? Ici, ils ont répété leur première création pour un théâtre subventionné. Résultat ? Ici aussi, il leur faut s’adapter à ce qu’on attend d’eux et à ce que produit l’avant-garde de Johannesbourg, à savoir une danse nouvelle cuisine. Ca n’a plus vraiment le goût du terroir, remplacé par un mélange de saveurs subtil. Et s’ils s’appellent Soweto’s Finest, n’est-ce pas qu’ils portent en eux une volonté de raffinement et d’ascension?
On nous dit que le mot de sbuja vient d’une façon de jouer avec la langue française, plus précisément avec le mot de bourgeois. Car ils sont en quelque sorte les jeunes frères des Swankas, les pendants sud-africains des ambianceurs d’Afrique centrale. L’élégance, quoi! Pas innocent donc, de se retrouver à Paris, face au Pont de l‘Alma. Mais leur chorégraphe pratique la mise à distance. Leur entrée en scène se fait en baskets. Certains l’aiment fluo. Le sac à dos aussi, ils aiment. Et la tchatche. C’est comme s’ils venaient là pour une répétition. Mais ils ne se changent même pas. Le spectacle est une sorte de théâtre dans le théâtre, il surgit en petites doses, pour nous parler du spectacle qu’ils pourraient nous offrir, si, ah oui, si… nous étions allés les chercher chez eux, dans leurs petites maisonnettes de Soweto.
Félins à souhait, souriants, toujours prêts à s’amuser de leur propre danse, ils nous médusent avec leur musicalité, leurs genoux pliés, leurs hanches suspendues dans un son joyeux et sensuel qui mélange l’électro aux effluves africaines. Ca fait rêver, mais ce n’est pas la musique d’origine liée au sbuja. Pas plus que les airs de Mozart sur lesquels ils dansent aussi, comme si c’était tout naturel. Avec eux, parmi eux, Mamela Nyamza en justeaucorps noir de superwoman décontractée et amicale, qui dirige les cinq hommes. Une telle image des relations est un bon antidote aux maux d’une société détenant le record mondial de viols.
Et quand ils s’y donnent à cœur joie, leur danse annonce une victoire sur un passé douloureux que les plus jeunes d’entre eux n’ont même pas connu, mais dont ils subissent toujours les conséquences. Le message de ce spectacle, sans titre par railleurs, réside dans sa prise de liberté. A tout instant, tout peut arriver. Aujourd’hui, en dansant le sbuja, ils sont maîtres de leur choix, et ils en font la démonstration. Incroyablement souples, les corps peuvent changer de tempo, d’état ou simplement de direction à tout instant. Et danser devient une véritable élévation. Ces garçons sont par ailleurs des croyants pour qui leurs chorégraphies relèvent d’une force spirituelle. D’où le caractère céleste de leurs figures?
Thomas Hahn
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Mamela Nyamza et les Kids de Soweto
Chorégraphie : Mamela Nyamza et Thomas Bongani Gumede
Jeudis 3 & 10 octobre, vendredis 4 & 11 octobre et samedi 5 octobre à 20h
Dimanche 6 octobre à 17h
Mercredi 9 octobre à 19h
Plein tarif : 20 € // Tarif réduit : 15 €
L’achat d’un billet pour ce spectacle donne accès au plateau des collections du musée le jour du spectacle.
Réservation : 01.56.61.71.72 (du lundi au vendredi, de 10h à 16h30) ou 01.53.45.17.17
Création en France en partenariat avec le Festival d’Automne à Paris
Musée du Quai Branly
37, quai Branly
75007 Paris
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