Viel chante Barbara – Avignon Off 2013
Au moment de présenter ses musiciens sur la scène du Chatelet en 1987, Barbara, exténuée à force de don de soi à son public, à sa plus belle histoire d’amour, ne pouvait plus même les citer tous. Et de terminer par un drolissime « Mais vous savez bien qui vous êtes après tout, enfin ! ». Transformer un manquement à un protocole en gag, défier la bienséance au profit d’une pirouette et décupler l’acquisition à sa cause de trois mille personnes. L’art de Barbara se niche aussi et plus souvent qu’on n’a bien voulu le dire dans cette transgression.
Cet extrait est inséré dans le formidable spectacle que Laurent Viel joue à Avignon tout ce mois de juillet. Donner la parole ainsi à la chanteuse à travers également des extraits d’interviews fort bien choisis ne va pas simplement l’inviter sur scène : cela va étayer la tonalité volontairement transgressive de Barbara. Laurent Viel va ainsi incarner par son jeu de scène ce glissement vers la singularité d’une artiste qu’ont trop figée les aficionados dans une sanctuarisation qui ne lui ressemblait pas.
Pour ce faire, l’artiste ne manque ni de talent ni d’idées. Comme pour son évocation de l’univers de Brel dans son précédent spectacle, il va se saisir d’un matériau que d’aucuns connaissent déjà par cœur là où d’autres le découvriront. Le choix des textes qui pourrait s’intituler « les hommes et les enfants d’abord » va judicieusement éviter les routes « barbaresques » (l’horrible mot) qu’empruntent tant d’autres quand ils ne les piétinent pas de leur idolâtrie douteuse. La chanteuse transgressive surgit ainsi non seulement par les titres tantôt grivois (Hop là, De jolies putes vraiment), tantôt revendicateurs d’une liberté inconditionnelle (Moi j’me balance) mais également dans le jeu de scène de Laurent, par ailleurs excellent comédien.
En interprétant Barbara avec ce qui fait aussi son style à lui, Laurent Viel la démythifie, nous la rend proche et surtout très drôle grâce à des mises en scène très travaillées qui convoquent parfois les objets de la panoplie de la chanteuse. Mais à travers ces points de repères qui n’en sont presque plus (juste des clins d’œil), il parvient encore à créer cette distance salvatrice. Il réinvente Ils étaient cinq, réorchestre A mourir pour mourir (un grand bravo à son accompagnateur, Thierry Garcia) mais pare Nantes de cette sobriété absolue qu’on réserve aux intouchables. Car de toute évidence, sa plus belle histoire d’amour, c’est elle et jamais, au grand jamais, il n’est question de la parjurer. C’est la déclaration en belle et due forme d’un artiste complet à celle qui lui a beaucoup donné. Un hommage, certes, mais à sa manière. Simplement magistral.
Franck Bortelle
Viel chante Barbara
Conception : Xavier Lacouture et Laurent Viel
Arrangements guitares : Thierry Garcia
Du 6 au 28 juillet 2013
Tous les jours à 17h15
Réservations : 04.90.86.11.74
Durée : 1h15 environ
Théâtre Le Cabestan
11, rue Collège de la Croix
84000 Avignon
Articles liés
Découvrez le seul-en-scène “Florence 1990” à La Petite Croisée des Chemins
18 novembre 1990. Florence Arthaud arrive dans le port de Pointe-à-Pitre à la barre de son trimaran et remporte la Route du Rhum, première femme à s’imposer dans une course en solitaire. Adolescent, je suis alors fasciné par cette...
Bananagun dévoile leur nouveau single “With the Night” extrait de leur nouvel album à paraître
Bananagun, originaire de Melbourne, partage “With the Night”, extrait de leur deuxième album “Why is the Colour of the Sky ?”, dont la sortie est prévue le 8 novembre via Full Time Hobby. Ce single au piano reflète le...
“Nadia Léger. Une femme d’avant-garde” au Musée Maillol : une exposition à ne pas manquer !
Nadia Khodossievitch-Léger (1904-1982) a été une figure de l’art du XXe siècle. À travers plus de 150 œuvres, la rétrospective Nadia Léger. Une femme d’avant-garde retrace le parcours largement méconnu de cette femme d’exception, tout à la fois peintre prolifique, éditrice...