François Michel
Or François Michel, c’est un style repérable mais protéiforme : des Ophidiennes, des femmes habillées d’un serpent, des gens captés dans la rue, des claires obscures, mais le tout dans une cohérence absolue : celle de la bienveillance et de l’empathie. Ce qui fascine et capture l’attention de bien des femmes dans son travail, ce sont les Ophidiennes. Notre homme a eu le déclic en voyant le célèbre cliché de Richard Avedon avec Nastasja Kinski. Frappé, il en a parlé autour de lui et compris que ce portrait de nu avec un serpent déclenchait des envies. A l’arrivée, plus de 100 clichés avec 24 femmes, de la plus mince à la plus petite, en passant par la plus âgée… Ce projet l’a captivé, envouté, fasciné…
Mais commençons par le commencement : le déclic pour la photo remonte en 1977. François a 12 ans et son père, féru de photo, lui offre un Minolta srT 100x pour son anniversaire. Cadeau prophétique…Le développement en argentique, très technique, le prend corps et âme. Passionné, acharné, il entreprend de maîtriser l’outil technique. Seul. Adolescent. Mais c’est qu’il se destine aussi à être ingénieur. L’attrait pour la technique est bien confirmé. Aujourd’hui ingénieur en informatique, François peut se consacrer sans peur du lendemain à son art.
En 1997, une autre ère… Il découvre le laboratoire. De retour de la Silicon Valley où il vivait, il découvre les merveilles du numérique et surtout que, en bouddhiste pour ainsi dire, le Beau est à portée de main, au bout de la rue. François aime les gens, le leur dit en images, ne développe que les photos où les gens se trouvent beaux, et prend le parti de ne pas vendre cher, 120 euros et 60 si on a posé…Le mystère capitaliste en pleine torsion !
L’art de François Michel se caractérise par un souci extrême de technique et de lumière : du noir surgit un point focal lumineux, du flou en arrière plan et du net en premier…La street photography se fait science digne de Léonard de Vinci. Philosophiquement et éthiquement, il veut l’accord des gens. Il veut qu’en se voyant, les gens s’aiment et s’aiment aussi les uns les autres…Christique…
Le mouvement est rendu par le flou, la beauté sauvage et rock des gens sublimée par le noir et blanc.
François est intimement lié au bar Le Scandale, par l’accueil chaleureux de Ben, son gérant, et son équipe et par les gens cultivés, drôles, rock et décalés qui en sont les habitués. C’est là qu’il fait la connaissance de Patrick Eudeline, ex rocker et romancier, qui lui demande de faire son portrait pour « Vénéneuse », son dernier roman édité par Flammarion. Le décor du bar est source d’inspiration pour François, qui s’en donne à cœur joie pendant les soirées.
L’événement à portée de main, encore une fois.
Ses photos sont un savant mélange de description, mais surtout pas pure, et d’expression des âmes. Comme dans les Ophidiennes, où l’on perçoit de la plénitude, du bien-être, alors que pour la plupart, les modèles posent nues pour la première fois avec cet animal mythiquement effrayant du serpent…François a à cœur de mettre à l’aise.
En 2007, la rencontre avec Jean Turco, à la faveur d’un stage d’initiation studio, est décisive. Il peaufine aussi la distance entre le modèle et la pose, pour que la femme devienne inaccessible, sans quoi le cliché serait vulgaire. François fait de la photo de mode mais surtout de la mode sans l’être : les commandes de books où il faut correspondre à des canons ne l’intéressent guère, lui l’humaniste loin des mensurations codées de ce qu’on appelle beauté actuellement.
Lorsqu’il shoote dans les bars, il faut créer avec l’aléatoire à la façon de Cage et Cunningham en son temps une attraction, une performance, un happening in situ. Mais jamais, ô jamais, n’attendez de ses portraits des Ménines de Vélasquez ! François met en valeur les gens, dans quelque état qu’ils soient…La bienveillance et l’empathie restent ses mots clefs, si l’on peut parler de mots pour lui qui pense que « l’on ne peut pas tout dire avec les mots ». La messe est dite : découvrez son œuvre.
Bérengère Alfort
[Visuels : courtesy François Michel]
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