Festival de Cannes – 16 mai 2013
Comme souvent avec ce genre de sujet, l’œil de la caméra tombe amoureuse de son sujet et en oublie de nous raconter une histoire. Beauté volée de Bertolucci était un succès, Jeune et Jolie est un anecdotique échec. Néanmoins, il faut reconnaître au film, en dehors de son extrême beauté plastique, une liberté de ton vivifiante. L’accueil de la presse et des professionnels reste cependant froid. Un manque de chaleur qu’on attribuera aux pieds mouillés et aux morals en berne à cause de la pluie battante qui sévit encore sur la croisette.
Je cours ensuite retrouver une équipe de tournage pour enregistrer une émission sur la journée de festival (pour les curieux, cette vidéo est ici). Me voilà avec un collant sur la tête, à pasticher le film de Sofia Coppola The Bling Ring, que je n’arrive d’ailleurs pas à caser dans mon emploi du temps. Deux heures de gaudriole plus tard, je m’accorde un déjeuner (le seul repas que je suis toujours sûre de prendre dans la journée) et je repars en courant (toujours sous la pluie) vers le théâtre Claude Debussy pour découvrir Fruitvale Station, sensation de Sundance présentée dans la sélection Un certain regard.
Fruitvale Station est un film retraçant les quelques heures de la vie de la victime de la véridique bavure policière de la station de métro Fruitvale à San Francisco. Le propos est noble, les ficelles servant à créer l’émotion sont grossières et pourtant il est impossible de ne pas s’effondrer face à ce portrait touchant d’un homme avec des qualités et des défauts qui se retrouve confronté à une situation qui le dépasse et va vite dégénérer.
On enchaîne sans un temps de pause avec la présentation d’un film chinois en compétition officielle Touch of Sin de Jia Zhangke. Ce long film (2h13), très dense, est un portrait de la Chine contemporaine en 4 parties et 4 portraits. Gangrénée par la violence et le capitalisme, celle ci semble souffrir de ses ambitions et par là même semble détruire peu à peu ses habitants. Ce film est mon premier coup de cœur de la compétition, une expérience de cinéma unique qui revient sur le passé en croquant les dramatiques histoires de 4 personnages hors du commun. On se laisse submerger par la maîtrise de la mise en scène et la beauté des plans en même temps que par la virtuosité du scénario et la subtilité de jeu des acteurs. C’est un film épuisant, passionnant. Un film « énorme » qui mérite bien d’être revu plusieurs fois et il faudra très certainement le prendre au sérieux au moment de la délibération finale.
Ce « coup de massue » me fait déserter le palais des Festival pour la soirée. Mais pas les salles de cinéma. En effet, je me retrouve une heure plus tard à Cannes La Bocca. À peine le temps de me maquiller et de me changer que je fais la connaissance de la boîte de production de films Ad Astra qui organise comme chaque année sa petite soirée pendant le festival. Ad Astra, c’est une petite entreprise de production reconnue dans le monde (leurs courts métrages sont souvent primés dans de grands festivals mondiaux… et deux fois aux Oscars) qui, plutôt que de baser ses bureaux à Paris comme tout le monde, a décidé de s’installer dans le Sud de la France. L’équipe est jeune et passionnée et exigeante en matière de cinéma. Pour preuve les 4 films que j’ai vu lors cette soirée/cocktail : 3 courts métrages (pour l’anecdote, l’un, Bad Toys II a été remarqué par Adam Sandler qui est en ce moment en train de l’adapter en long métrage) et 1 moyen métrage de plusieurs nationalités différentes qui ont tous en commun d’être des objets singuliers. Après avoir imposé leur patte dans le royaume du court métrage, d’avoir commencé à travailler dans le film d’entreprise, les voilà prêts à se faire connaître avec un long métrage franco-georgien actuellement en post production. Cannes est aussi un lieu où l’on découvre donc, autre que des grands noms et des films qui sortiront de toute manière en salle, une belle poignée d’irréductibles fans de cinéma qui en produisent avec ce qu’ils peuvent, partout et pour tous. Une belle rencontre dans le Cannes alternatif, et, pour ne rien gâcher il y avait du champagne et des moelleux au chocolat.
C’est sous la pluie (encore) que je rejoins la croisette pour la suite (et fin) de ma soirée. Quelques messages par ci par là et me voilà titulaire d’une invitation VIP pour la soirée officielle du film Jeune et Jolie sur la plage Magnum. La Plage Magnum c’est un des lieux qui comptent cette année pour les fêtards, principalement parce qu’elle est dotée d’un « bar à glaces » sur mesure. La soirée bat son plein et je me gave de foie gras et de champagne (trop de queue au bar à glace) avant de sentir mon sang battre fort dans ma tempe droite. C’est le signal d’une migraine qui commence. Voilà ce qui arrive quand on ne s’hydrate pas assez et qu’on enchaîne les projections. Je rentre plus tôt que prévu et un peu mal en point en me promettant de retenir la leçon… demain de toute façon, une belle journée de cinéma m’attend.
Lucile Bellan
A (re)découvrir sur Artistik Rezo :
– Festival de Cannes – 15 mai 2013
– Sélection officielle du festival de Cannes 2013
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