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Jérome Coumet – interview

16 mai 2013
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Inti - avenue d'Italie

Comment en êtes-vous venu à faire du street art l’un des axes forts de la politique culturelle du treizième arrondissement ?

D’abord par le hasard des rencontres, à commencer par celle avecMehdi Ben Cheikh, directeur de la galerie Itinerrance, avec la collaboration de qui nous menons ce projet. J’aimais l’idée de faire descendre l’art dans les quartiers populaires. C’est une question que se posent évidemment beaucoup d’élus : comment donner à tous accès à la culture ? Il existe plusieurs médiums, dont l’école, ou encore la gratuité des Musées – mais tout le monde n’accourt pas forcément du jour au lendemain. L’accès direct, comme pour ce projet, est une autre possibilité. Nous travaillons spécifiquement sur l’est du treizième, où se trouvent beaucoup de logements sociaux.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Une quinzaine de murs ont été peints. Les débuts ont été modestes, mais nous commençons à attaquer de très grands murs. Cela commence à marquer beaucoup plus sérieusement le paysage. L’idée est de faire un parcours urbain, un musée à ciel ouvert.


Les habitants sont-ils associés au processus ?

Oui, systématiquement, mais nous n’avons pas de méthode préétablie. Nous nous adaptons selon les possibilités et les désirs des artistes. Par exemple, Inti, qui est intervenu sur l’Avenue d’Italie, nous a proposé trois photomontages et les habitants du quartier ont voté.

Pour le dernier mur avec C215, nous avons envoyé un mail pour expliquer notre démarche. Sur la centaine de réponses que j’ai reçues, deux étaient négatives…. On pourrait penser que le street art parle avant tout aux jeunes, mais cela va au-delà. Quand nous avons organisé un pot et une signature pour inaugurer la dernière fresque de C215, nous avons vu un public extrêmement divers, sans cassure générationnelle.

Quel est le rôle d’Itinerrance ?

Du côté de la municipalité, nous sommes très attentif à ce que les murs ne soient pas uniquement réalisés par des artistes défendus par Itinerrance. Mehdi est un passionné, avant d’être un marchand. Et les commandes passent par le biais d’une association, pas seulement de la galerie. Les artistes interviennent gratuitement.

C’est un choix ?

Nous indemnisons les frais. Quand ces artistes intervenaient dans la rue, ils n’étaient pas rémunérés. C’est à travers cette reconnaissance de leurs oeuvres dans la rue qu’ils vendent ensuite leurs oeuvres dans des galeries et auprès de collectionneurs.

Mais Shepard Fairey, par exemple, n’a plus grand-chose à prouver. Qu’est-ce qui l’a séduit dans le projet ?

Nous avons cette chance d’être à Paris. Et dans l’esprit des artistes, Paris reste la capitale des arts. Shepard est donc venu avec son enthousiasme, d’autant plus que le mur était à la fois visible du métro et de la rue. Il voulait qu’on garde son intervention un peu secrète, mais du fait de sa notoriété, un attroupement s’est vite constitué. Vers la fin, je me souviens que nous avons vu un taxi planter son véhicule au milieu du carrefour et prendre une photo. Quelques minutes plus tard, un métro s’est arrêté avant la station, et le chauffeur a fait la même chose !

Pensez-vous que ce type de projet puisse s’étendre dans d’autres arrondissements ?

Pourquoi pas, mais nous avons un petit temps d’avance sur le sujet ! Au-delà de la question du street art, je pense qu’il faut redonner l’envie des clins d’oeil dans la ville. L’art s’était beaucoup institutionnalisé, et ces artistes incarnent une forme de liberté, ce qui explique l’engouement actuel.


Mais avec les commandes publiques, est-ce que le street art s’institutionnalise à son tour ?

Est-ce que Keith Haring a perdu en fraîcheur quand il est intervenu sur des lieux institutionnels comme l’Hôpital Necker ? Je n’en suis pas persuadé. C’est vrai, il y a aujourd’hui une vraie reconnaissance du public, du marché. Mais est-ce que les artistes doivent être absolument maudits ? Si on achète, ça leur permet de vivre de leur art.

Quel est le devenir de ces œuvres ?

Tous les artistes ont accepté qu’elles soient provisoires. Normalement, pour toutes les oeuvres, il existe un droit de suite, ce qui n’est pas le cas ici. C’était une demande des bailleurs, ce qui a permis qu’ils jouent le jeu, parce que restaurer une fresque coûte plus cher que la fresque elle-même… Par ailleurs, nous avons encore plusieurs murs à venir, et de belles surprises dans les mois à venir…

Sophie Pujas

Cf. la carte du parcours


[Visuel : fresque de 47 mètres de haut réalisée, dans le treizième arrondissement parisien (au 129 avenue d’Italie), par le Chilien Inti]

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