Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis 2013
Chaque année, la programmation concoctée par Anita Mathieu fait accourir les programmateurs nationaux et internationaux. Les découvertes à faire sont légion, avec une dizaine de créations dont un grand nombre venant des quatre coins du globe. Ces Rencontres, issues du légendaire Concours de Bagnolet, sont donc une formidable invitation à élargir son horizon, qu’on soit fin connaisseur de la création chorégraphique ou tenté de pousser une porte, dans l’attente de surprises esthétiques.
Danse et peinture
La danse entretient, avec la peinture, des liens d’inspiration mutuelle particulièrement étroits. Gaëlle Bourges aime à s’interroger sur la représentation de la femme à travers l’histoire de l’art et va analyser, dans sa nouvelle création, le tableau Le Verrou de Fragonard, peint en 1778. Une autre chorégraphe française, Aurélie Gandit, a pour habitude de proposer des visites dansées dans les musées d’art. Pour les Rencontres, elle crée maintenant « De Pictura », un tableau composite en mouvement pour cinq interprètes. Et elle plateau deviendra le lieu d’une visite guidée, puisque des textes d’analyse portant et sur la danse et sur la peinture seront mis en rapport avec la chorégraphie interprétée.
Panorama africain
Anita Mathieu est une infatigable voyageuse, ce qui lui permet d’offrir, au cours de cette édition du festival, un panorama de la création d’Afrique et d’Océanie. C’est même l’ouverture des Rencontres, le 14 et 15 mai, qui verra Panaibra Gabriel Canda du Mozambique dans Time and Space : The Marrabenta Solos traverser, sur fond de musique Marrabenta (la rencontre entre le Fado et la tradition locale), ce que les corps de son peuple ont absorbé au fil de l’histoire coloniale. De Dakar, c’est Fatou Cissé qui vient avec un nouveau solo, interrogeant la place de la femme, toujours reléguée à un rôle subordonné, dans la société Sénégalaise.
Et puis, cap sur l’Afrique du Sud, d’où viennent les spectacles les plus ouvertement politiques et expérimentaux du continent. La dernière découverte est ce duo masculin qui se penche sur les problèmes sociaux de la Rainbow Nation autour du viol et du VIH, dans un duo intitulé Penis Politics. Bien plus connu chez nous, Boyzie Cekwana vient pour la création mondiale d’un nouveau trio, In case of fire, run for the elevator, une « comédie musicale silencieuse, à interventions rythmiques, provenant d’une partition entendue uniquement par les interlocuteurs ». Cekwana est un maître dans la composition d’images et de présences intrigantes, sensuelles et pourtant politiquement percutantes.
Montréal et la beauté
Du Québec, nous verrons autant Frédérick Gravel que le doyen de la danse nouvelle de Montréal, Daniel Léveillé. Les deux s’interrogent sur l’humanité et la beauté. « Usually Beauty Fails », dit la pièce de Gravel pour six danseurs et trois musiciens, partition débridée et furieusement engagée sur les thèmes de l’amour et de la rencontre. Léveillé, connu pour ses pièces de groupes aux interprètes nus et pleins de sensibilité, passe ici au solo et se fond dans la musique de Johann-Sebastian Bach, pour s’opposer au règne des technologies sur nos âmes.
Avec Daya Hammoud qui évoque le rapport avec son territoire, le Liban, et Jérôme Brabant de La Réunion, qui se pose des questions similaires, à Hooman Sharifi, Iranien installé en Norvège qui parle de la rencontre des cultures, les chorégraphes parlent de questions identitaires profondes et parfois douloureuses. Allemagne, Espagne Etats-Unis etc ., le mot d’ »internationales » dans le titre complet des Rencontres est plus que jamais au cœur du projet. Seine-Saint-Denis, capitale européenne de la danse! Et même si les spectacles n’ont pas lieu à Paname, ce n’est pas non plus le Panama. Pour la plupart, les théâtres sont accessibles en métro, et si ce n’est pas le cas, la navette part place de la Nation.
Thomas Hahn
Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis 2013
Du 14 mai au 13 juin 2013
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