Don Giovanni – Opéra de Dijon
Acclamé comme « le meilleur orchestre de chambre du monde », depuis 25 ans, le Chamber Orchestra of Europe n’avait pas joué en fosse. Chose est faite à l’occasion de cette nouvelle production de l’Opéra de Dijon. L’ensemble composé de solistes internationaux qui continuent de travailler ensemble (depuis 1981 pour 18 de ses membres) est dirigé magistralement par le chef Gérard Korsten, qui s’est produit sur les plus remarquables scènes d’Europe. Bien que l’acoustique de l’auditorium soit très bonne, la musique semble légèrement en retrait comme pour laisser toute la place au plateau vocal.
La mise en scène de Jean-Yves Ruf déçoit un peu au départ. Elle n’est qu’une lecture fidèle du livret. Pas d’interprétation, pas de contextualisation précise, seule une juste représentation des situations données à voir et à entendre clairement, gommant toute ambiguïté et autres lectures. Un fond de scène un peu épuré et un décor unique : une vallée de verdure à la Rousseau, dans une lecture romantique. Le chasseur qu’est Don Giovanni erre dans ces monts propices aux jeux de scène. Dans un jeu de domination, de chat et de souris, les chanteurs se prêtent à des rixes mêlées de roulades et de chutes. Le corps est malmené dans un jeu morbide dirigé par le personnage libertin qui erre. Violenté, le corps sert même de table. Assouvissement des désirs et des fantasmes, il est projeté au sol, homme ou femme, qu’importe, il roule, et se tord jusque dans les abîmes de l’enfer.
La grande trouvaille, c’est le jeu des lumières. Christian Dubet s’en donne à cœur joie pour éclairer cet opéra dans la nuit. Cet homme qui a grandi au pied du phare du Créac’h sur l’île d’Ouessant fait oublier ce décor et recrée un espace incertain et mystérieux, imaginaire et inquiétant, ne laissant apparaître parfois que des silhouettes colorées ou au contraire en pleines lumières. Transporté dans ces tableaux, le spectateur est saisi par l’esthétique. La scène de bal éclairée aux flambeaux est magnifique, dominée par les trois masques. La croix gigantesque éclairée par la lune, lors du festin final impressionne beaucoup.
Enfin, la salle est enchantée par le plateau vocal. Le séduisant baryton français, que nous avions entendu avec plaisir à l’Opéra Comique en Claudio dans Béatrice et Benedict, Edwin Crossley-Mercer incarne un ardent Don Giovanni altier et pourtant juvénile. Le séducteur, dans une gestuelle très physique conquiert tous les cœurs, secondé par le puissant Leporello de Josef Wagner, véritable arlequin, goguenard et cupide. Diana Higbee en Donna Anna un peu serrée dans les aigus au début, prend tout son envol par la suite ; sa voix est très pure. Ruxandra Donose interprète une Donna Elvira de caractère, touchante et sensuelle dans sa robe rouge. Camille Poul, qu’on avait découverte en Amour dans le magnifique Cadmus et Hermione de Benjamin Lazar, toujours à l’Opéra Comique, pétille dans son rôle de Zerlina. Enfin Damien Pass, entendu récemment dans L’Enfant et les sortilèges de Ravel, à l’Opéra Garnier, ou un peu plus tôt dans le Rezurrezione de Haendel, livre un Masetto, très sicilien.
Marie Torrès
Don Giovanni
Livret : Lorenzo da Ponte
Musique : Wolfgang Amadeus Mozart
Direction musicale : Gerard Korsten
Mise en scène : Jean-Yves Ruf
En italien surtitré
Chamber Orchestra of Europe
Chœur de l’Opéra de Dijon
Tél. 03.80.48.82.82
[Visuels : ©Opéra de Dijon/Gilles Abegg]
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