Sortir de sa mère – Pierre Notte – Théâtre du Rond-Point
Tous ceux qui sont accrocs aux enfantillages enroulés délicatement dans le cordon de maman se divertiront, sans risque de perdre ni d’aggraver leurs bobos. Les personnages et les espaces sont nombreux, campés agilement à travers l’épopée intime d’un frère et de sa sœur déstabilisés par un héritage décevant. Des facéties teintées d’humour poli nous entrainent chez un notaire puis au restaurant, dans une allée d’un magasin de bricolage et même à Hollywood, en maintenant toujours ce style typique des saynètes déroulées dans de la guimauve et fondues dans des refrains légers. Les trois comédiens déclinent talentueusement les dialogues et les chansons, avec un sens de l’alternance des registres qui permet de glisser aisément avec charme et cocasserie sur les écueils des enjeux familiaux. Mais c’est tout l’ensemble qui glisse sans embardées, car cette pièce se veut emplie de « petites bulles chantées ou jouées », et c’est bien connu, les petites bulles ne font pas d’explosions.
Pierre Notte a été journaliste puis secrétaire général de la Comédie-Française et à ce jour il occupe une place de conseiller au Théâtre du Rond-Point, tout en poursuivant avec réussite sa carrière d’auteur. Joué en France et à l’étranger, il apparait volontiers dans ses pièces, comme ici où il occupe ici la place du pianiste. Après sa création dans le off à Avignon, il présente Sortir de sa mère tel un volet qui peut s’intégrer dans un diptyque, puisque une autre des ses pièces, La chair des tristes culs, avec les mêmes comédiens, est proposée dans la même salle juste après. Pierre Notte, – ainsi en va-t-il de ses titres Pour l’amour de Gérard Philipe et Moi aussi je suis Catherine Deneuve- aime les références aux grandes statues du cinéma ; trimbalant les tiraillements adolescents entre les morosités de la réalité et les idéaux de femmes fatales, il joue volontiers la romance des regrets d’un âge d’or, celui des sentiments, celui des fusions idéales, celui d’une certaine époque également.
Car Sortir de sa mère fait revivre sans équivoque les Frères Jacques ainsi que tout l’attirail de cet esprit qui fit la renommée d’un certain style français pendant les Trente Glorieuses. Le jeu, les justaucorps, les collants noirs et jusqu’à la fausse moustache sont là. Les numéros avec des clins d’œil discrets à Anne Sylvestre et Prévert s’enchainent avec des « moyens modestes » précise l’auteur. Celui-ci revendique clairement le non-spectaculaire au profit d’un peu de lyrisme additionné à quelques gags, un goût pour l’opérette et la volonté de surprendre les spectateurs « à l’écart des agressions du monde ». Certains y trouveront bel et bien un refuge édulcoré et divertissant, d’autres un repli ringard et protecteur. Il est certain qu’il est nécessaire de se complaire dans la nostalgie pour surfer sur ce genre qui brasse tendrement une version cabaret d’antan en un petit désordre sympathique mais coupé du monde moderne.
Isabelle Bournat
Sortir de sa mère
Pièce avec chanson de Pierre Notte
Mise en scène, musique et jeu de Pierre Notte
Avec Thiphaine Gentilleau, Brice Hillairet et Chloé Olivères
Jusqu’au 9 février 2013 à 18h30
Le dimanche 15h30
Relàche les lundis et le 13 janvier
Tarifs : de 11 à 28 euros
Réservations par tél : 01.44.95.98.21
Durée : 1h15
Théâtre du Rond-Point
2bis, avenue Franklin D.Roosevelt
75008 Paris
M° Franklin Roosevelt
A découvrir sur Artistik Rezo :
– La Chair des tristes culs, de Pierre Notte (du 8 janvier au 9 février 2013)
– Les pièces à voir à Paris en janvier 2013
[Visuel : Sortir de sa mère. © Stéphane Trapier]
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