Carmen – Opéra Bastille
Carmen, on le sait, c’est le charme à l’état pur, la femme fatale et libre. La gitane brune devenue fille d’Éve et de Vénus est blonde platine, décolorée, dans une robe noire soyeuse et sexy. Certes, elle se distingue parmi les cigarières aux fichus grisâtre sur les cheveux et aux robes légères de couleurs criardes, bien davantage qu’une brunette sauvage un peu sorcière. Elle est mythique et fait rêver. On pourrait cependant reprocher au metteur en scène d’expliciter un peu trop. Y . Beaunesne souligne-t-il les traits comme pour signaler son origine aux spectateurs incompétents ?
Le lien entre Vénus la blonde, Éve ou Marylin Monroe est-il si pertinent ? En effet,le metteur en scène glisse une pomme entre les mains de Karine Deshayes qu’elle fait suavement croquer aux enfants…
Autre surprise de taille, la garde espagnole s’est transformée en nuée de gamins qui entonnent l’air célèbre. C’est charmant mais moins imposant. Est-ce vraiment justifié ? D’ailleurs on a aussi des doutes sur l’époque et le lieu. Les années 80, la movida espagnole ? On a l’impression d’être dans une boîte de nuit internationale, pantalons flashys à pattes d’éléphant, cheveux longs, et cette Marylin au centre de tous les regards et de toute les convoitises. Bof-bof, le strip-tease vulgaire ou les seins à l’air du travesti gigantesque. Sort-il de Freaks ? Pas mieux l’arrestation de Don José à propos de la rixe entre Carmen et une bonne femme peu dégrossie et apparemment assez hideuse, dont on ne voit que la crinière, faire-valoir vraiment nécessaire d’une Carmen ? Tout cela est d’un goût désastreux et donne une image dégradée de la femme dans l’ensemble. Dénonciation ou complaisance ?
Heureusement, Karine Deshayes se montre à la hauteur du rôle et elle n’est pas vulgaire. Elle ravit au contraire par la magnificence de sa voix et interprète une femme amoureuse. La superbe mezzo que nous avions entendue avec bonheur dans la Cenerentola, l’année dernière, donne charme, douceur et profondeur à ce personnage. Nous imaginions naturellement Carmen sauvage et instinctive, celle-ci est aimante et tragique. Sensuelle et suave, elle séduit pourtant avec volupté Don José. Le ténor autrichien interprète avec force les sentiments entiers d’un homme épris et bouleversé. On ne résiste pas au charismatique Ludovic Tézier/ Escamillo transformé au choix en Tino Rossi ou Elvis Presley, toujours grand prince de la séduction. Mais surtout retenons la superbe Genia Kühmeier en Michaela. Elle conquiert tous les coeurs par la pureté et la rondeur de sa voix magnifique. Elle incarne un personnage pur et sensible dans tout l’innocence des sentiments et des valeurs. La soprano a été très applaudie.
Soulignons le très beau décor unique : la manufacture avec un jeu de lumières très important qui renouvelle le lieu. Enfin l’esprit de fête est remplacé par le cirque. Spectaculaire et à propos, en cette période de l’année, cela agrémente et remplace les danses espagnoles que l’on peut voir en alternance dans Don Quichotte qui se donne aussi à la Bastille.
Philippe Jordan dirige magistralement comme à l’accoutumée l’orchestre superbe qui triomphe dans cette mise en scène hétéroclite.
Marie Torrès
[Crédit : Opéra national de Paris/ Charles Duprat]
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