Comme j’étais en quelque sorte amoureux de ces fleurs – David Farjon et Zoumana Meïté
Nous avons rendez-vous Porte des Lilas. Forcément. David et Zoumana travaillent depuis deux ans sur ce territoire. Ils font du micro trottoir le jour comme la nuit. Ils interrogent les habitants des Lilas sur ce qu’ils ressentent. Ont-ils une identité de parisiens ou sont-ils attachés à leur domaine ? « Ses habitants vont-ils perdre leur identité en en se rattachant à Paris ? C’est la question de l’identité liée à un territoire. » Or David a grandi à L’Haÿ-Les-Roses, et Zoumana à Trappes.
Le choix de questionner l’âme de la Porte des Lilas signifie revenir à la zone non aedificandi de Thiers, de 1860. Avecses baraquements, (là où aujourd’hui passe le périphérique), le lieu connaît la Commune en 1871 et ses désastres sanglants. David et Zoumana se souviennent que la ceinture de Paris était enfermée par des murs. Il y eut là guerre contre la Prusse. Parisiens contre versaillais et prussiens, pouvoir contre rébellion. Dès le 19ème siècle, le quartier des Lilas a « sa forte concentration en bouchers qui sont aussi lutteurs, connaissent les apaches, les loulous »… Ce qui donne aujourd’hui ce qu’on appelle « kaïra».
L’habit ne fait pas le moine
En voyant débarquer nos deux énergumènes, on peut avoir l’impression qu’ils en ont fait partie. Que nenni. Certes, ils portent un survêt et des baskets, un bonnet. Mais ils sont du genre à aider les gens qui font un malaise dans le métro. Jamais vider leurs poches. Au bar, les langues se délient face à une blonde. On voit peu à peu à qui on a à faire. Ils ont tous deux fait des études à la fac. Ils se sont nourris dès l’enfance de clubs de théâtre « qui créaient du lien social », d’ateliers de théâtre reçus puis donnés, « une évidence »…
Ils ont quitté leurs amis de Trappes pour Zoumana et de L’Haÿ-Les-Roses pour David. Ils se sont installés à Paris. Mais leur flamme est intacte. Il n’y a qu’à voir leurs yeux pétiller : « La nuit, on passe par-dessus la grille du parc du Belvédère pour interviewer les passants ». Le jour, ils traînent du périph à l’église Notre-Dame des Otages, pour faire un micro trottoir. Cela nourrira la pièce. Elle sera une scène au milieu des spectateurs. Ils y mimeront la rue, le métro. Ils dégageront la portée poétique des lieux et des gens qui habitent l’espace de la Porte des Lilas. Ce sera une performance jouée et dansée, au cœur de la salle.
Pieds Nickelés
Le problème, c’est qu’ils peuvent oublier de mettre des piles sur l’enregistreur. Un côté pieds nickelés qu’ils assument pleinement. Et ça les fait marrer : Zoumana affirme qu’ils travaillent « dans l’urgence, la panique » ; et David rappelle que « ça fait quand même deux ans et demi qu’on bosse sur cette pièce ! ». D’où un énorme fou rire. Plus sérieusement « Zoumana vise l’objectif tandis que moi je travaille sur le cheminement ».
Féru d’histoire, David peut parler des heures, volubile, de Thiers et de la Commune. Zoumana, lui, fait le lien, les yeux rieurs, entre cette époque et le Grand Paris de Sarkozy. David restera concentré sur son vélo en nous quittant. Zoumana rêvassera dans le métro. Des différences de caractère qui forgent un lien. « L’estime réciproque est le ciment de notre amitié ». Elle n’est pas prête d’exploser.
Bérengère Alfort
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Comme j’étais en quelque sorte amoureux de ces fleurs-là
Samedi 5 janvier 2013 à 16h – répétition ouverte au 104
Gratuit sur réservation (tél. 01.53.35.50.00)
Du 23 au 25 janvier 2013 à 19h30 au Théâtre de Vanves
11, av Jezequel – 92170 Vanves – M° Malakoff Plateau de Vanves
www.theatre-vanves.fr
[Photos : Thierry Stefanopoulos]
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