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Nouveau Roman – Christophe Honoré – Théâtre de La Colline

20 novembre 2012
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Nouveau Roman - Christophe Honore - Theatre de La Colline

La mise en scène de Christophe Honoré s’amuse plaisamment avec les codes théâtraux. À l’instar de ce que fut le Nouveau Roman pour les codes du « roman balzacien », seul un théâtre remettant en cause les codes du théâtre traditionnel pouvait parler du Nouveau Roman. Mais avec dérision, et humour.

Sur le mode de l’improvisation, l’histoire de cette épopée littéraire se déroule sous nos yeux chronologiquement. 

Les interprètes sont jeunes. Leur âge, leur sexe, ou leur physique ne correspondent pas à ceux des écrivains qu’ils incarnent. Mais ça marche, puisque nous sommes toujours dans le réel de cette pièce en train de se faire sous nos yeux, tout comme le Nouveau Roman s’écrivait.

Ces nouveaux romanciers boivent des coups, fument, se déplacent à leur gré, se retrouvent entre copains, fondent une famille qui n’en est pas une car chacun écrit dans son coin. 

Leur but : mettre à mort le roman, surtout celui de Balzac qui plaît tant aux lecteurs. Le temps qui s’écoule est le fil directeur, en passant par les conflits avec Jérôme Lindon, directeur des éditions de minuit,  les réunions pour concevoir un nouveau dictionnaire qu’ils appellent « vocabulaire », et les prix littéraires obtenus avant leur mort. 

L’humour tient à ce que, ainsi présenté, chacun de ces écrivains à la réputation si élitiste est détrôné de son piédestal. Le texte dit par chaque comédien est tiré de l’oeuvre de l’écrivain qu’il est sur scène. Il est dit, à l’opposé de l’image qui fut la sienne, de façon simple et spontanée.

Une dynamique de la rupture, ou plutôt de l’interruption remplace les scènes. Place aux écrans qui suppléent aux corps matériels. Le spectateur est invité à intervenir :  lumière sur la salle. C’est l’occasion pour certains de dire leur mécontentement. D’autres en profitent pour partir. Christophe Honoré expose ainsi ses acteurs protégés normalement par le texte. Heureusement, ils ne sont pas pris de court et l’humour chasse toute tension. 

Le grand absent : Beckett, qui ne cesse de briller par son absence, honoré par Jérôme Lindon (Annie Mercier). 

Jean-Charles Clichet est Alain Robbe-Grillet, chef du mouvement,  drôle et volubile. L’acteur envahit l’espace, secondé par sa femme, dans l’ombre – Mélodie Richard, délicieuse de contradictions et de finesse. Il est entouré de son grand rival, Michel Butor, placide (la mystérieuse Brigite Catillon). 

Saluons la très belle performance, pleine d’émotions que donne Sébastien Pouderoux de Claude Simon dans l’extrait d’une dizaine de pages de La Route des Flandres. La voix de l’acteur crée le rythme du texte, doublé par le balancement du corps : angoisse du personnage luttant contre le temps qui passe et le mimant simultanément. Ludivine Sagnier en Nathalie Sarraute et Anaïs Demoustier en Marguerite Duras sont convaincantes ainsi que Mathurin Voltz en Robert Pinget. Benjamin Wangermée décoiffe en Claude Ollier, branché sur mille volts. Enfin, Julien Honoré, frère du metteur en scène incarne Claude Mauriac. 

Marie Torrès

Nouveau Roman 

De Christophe Honoré

Avec Brigitte Catillon, Jean-Charles Clichet, Anaïs Demoustier, Julien Honoré, Annie Mercier, Sébastien Pouderoux, Mélodie Richard, Ludivine Sagnier, Mathurin Voltz et Benjamin Wangermee

Du 15 novembre au 12 décembre 2012
Du mercredi au samedi à 20h30
Le mardi à 19h30
Le dimanche à 15h30

Réservation en ligne

Durée : 2h50 (sans entracte)

Théâtre national de la Colline
15, rue Malte-Brun
75020 Paris

www.colline.fr 

A découvrir sur Artistik Rezo : 
La critique de la pièce par Isabelle Bournat

– Les pièces à voir à Paris en novembre 2012

[Photo : © Jean-Louis Fernandez]

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