Entrée des médiums – Maison de Victor Hugo
1847 : des esprits frappeurs se manifestent aux sœurs Fox, à Rochester, état de New York. Le spiritisme naît et se répand en Europe, devenant une mode.
2 décembre 1851 : Louis-napoléon Bonaparte prend le pouvoir et devient Napoléon III, condamnant Victor Hugo à l’exil, par la Belgique, vers le Îles Anglo-normandes de Jersey et Guernesey.
Quel rapport me direz-vous ? Et bien il s’avère que durant deux ans, de 1853 à 1855, Victor Hugo et sa cour en exil se passionneront pour les tables tournantes, la « fluidomanie » caricaturée par Daumier et Cham.
Le premier acte de bravoure de cette exposition, et non le moindre consiste à réhabiliter Charles Hugo, « simple journaliste » écrasé par la personnalité ogresque de son père. En effet, une des hypothèses consiste à faire de Charles le médium par excellence des tables, allant jusqu’à influencer les écrits de son père de par la puissance de son fluide. La fameuse Bouche d’ombre dont rêve le père, serait-ce le fils qui la lui a soufflée ? Abondamment documentée en photos, dessins et écritures automatiques, compte-rendus de séance, la première partie de l’exposition dépeint vigoureusement les relations et influences multiples des participants à ces réunions spirites où interviennent Léopoldine, la fille adorée et noyée, mais encore l’Océan, ou bien même Napoléon III venus faire amende honorable pour cet exil forcé. A noter tout particulièrement dans cette section : le cabinet Léopoldine, avec sa robe et sa couronne de mariée ; et un splendide collage photo de Charles Hugo, où son père trône en majesté, qui n’est pas sans rappeler les fantasmagories symbolistes de Gustave Moreau.
Dans la deuxième section, le choix du titre : « Entrée des médiums » se précise. En effet, en s’attardant sur deux figures artistiques du 19ème siècle (Victorien Sardou et Ferdinand Desmoulins), l’exposition explique comment un artiste peut devenir médium et annoncer les futurs Art Brut et Surréalisme. Tous deux entrés en spiritisme suite à un événement malheureux, échec professionnel ou amoureux, Desmoulins et Sardou aventurent leur esprit aux rivages médiumnique et façonnent dessins et écritures automatiques. L’effet en est saisissant : visité par d’illustres influenceurs (Swedenborg, Mozart, Jésus), la production artistique se trouve décuplée, enrichie. Tout ceci se déroule en parallèle avec l’édition du best-seller du spiritisme, Le Livre des esprits d’Allan Kardec.
La troisième partie de l’exposition inverse le propos et évoque les médiums recrutés parmi la classe populaire : Hélène Smith, Hugo d’Alesi, etc. Humbles « vaisseaux » devenus malgré eux des stars controversés, des artistes bruts, à la croisée d’une époque où se mêle le spiritisme et la psychanalyse naissante. Dans la salle des ectoplasmes, on verra les productions des spirites (notamment la célèbre Marthe Béraud), capable de matérialiser l’esprit qu’ils convoquent. Enfin, l’exposition se clôt par la naissance du Surréalisme et de l’Art brut, tous deux courant attentif à l’introspection, à l’étrange et à l’inconscient. Il reste bien évidemment une dernière salle, où sont exposés les dessins enfantins et déconcertants de Philippe Deloison, médium moderne qui représente les personnes et leur aura.
Supercherie ? Fluide psychique non encore attesté par la science ? Automatisme de la pensée inconsciente ? Réalité des esprits défunts ? Difficile à dire. L’exposition n’est pas forcément là pour répondre à toutes ces questions, mais pour en poser.
Mathilde de Beaune
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Entrée des médiums
Commissaires d’exposition : Gérard Audinet et Jérôme Godeau
Du 18 octobre 2012 au 20 janvier 2013
Tous les jours sauf lundis et jours fériés de 10 à 18h
Plein tarif : 7 € // Tarifs réduits : 5 € et 3,5 € (-27 ans)
Maison de Victor Hugo
6, place des Vosges
75004 Paris
M° Saint-Paul, Bastille ou Chemin-Vert
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