Kurdish Lover – documentaire de Clarisse Hahn
Comme un cousin lointain venu d’ailleurs, le spectateur partage le quotidien d’une famille où l’amour se confond souvent avec l’emprise. un quotidien où le paganisme régit le rapport aux choses et à la vie, le magique se mêlant au trivial.
Les personnages sont drôles, parfois cruels, souvent d’une grande théâtralité pour oublier qu’ils font partie d’une communauté oubliée du monde.
« Les gens que j’ai filmés vivent au Kurdistan Turc. ils font partie des villageois qui, pour avoir aidé la guérilla, ont subit des violences physiques. Les militaires ont détruit leur village et les ont déplacés au pied des montagnes. Le village où se déroule le film, est encore fréquemment traversé par des patrouilles militaires. La surveillance de l’armée rend difficile la présence d’équipes de tournages dans cette région. En filmant seule, avec un matériel léger, j’ai pu réaliser ce film sans me faire remarquer.
Les parents d’oktay, mon compagnon, ont immigré en France dans les années 70. ils font partie de cette diaspora qu’une longue histoire de persécution a rendu viscéralement attaché à leur terre d’origine. Comme des centaines de milliers d’émigrés Kurdes, ils reviennent chaque année au village pour les vacances d’été. De nombreux jeunes nés en France, en Allemagne ou en Angleterre, viennent au village avec l’espoir d’y rencontrer une personne à épouser.
Le Kurdistan est une mosaïque de régions où sont cultivées des milliers de petites différences religieuses et culturelles qui séparent les Kurdes les uns des autres, jusqu’à l’antagonisme. J’ai ici passé du temps avec les Kurdes de confession Alévi, l’une des plus anciennes religions Kurde, un animisme légèrement teintée d’islam. Le sommet des montagnes est sacré. Chaque pierre, chaque cours d’eau y a une signification et une histoire.
Le quotidien du village d’oktay est un concentré des problèmes Kurdes: isolés et coincés entre analphabétisme et pauvreté. En passant du temps avec eux, j’ai eu peu à peu le sentiment que chaque membre de la communauté vivait en symbiose avec les autres, comme s’ils étaient tous les membres d’un même corps. Les événements de la vie personnelle sont immédiatement partagés avec le groupe.
Tout contribue à maintenir ces relations d’interdépendance : les petits logements où l’intimité est impossible, l’argent que les enfants doivent partager avec leurs parents, les mariages arrangés entre cousins, les animaux qui nécessitent une présence quotidienne, les maisons où plusieurs générations vivent sous le même toit, les interdits sexuels, la virginité des jeunes filles sur laquelle tout le monde veille.
Les relations familiales sont un mélange d’amour et de haine, d’entraide et d’emprise : mais n’est-ce pas, plus généralement, le propre des familles ? » (Clarisse Hahn)
Kurdish Lover
De Clarisse Hahn
Durée : 98 min.
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