Gaël Faye enflamme la Maroquinerie
Quelqu’un zappe. Posée au milieu des instruments de la scène, encore vide, d’une Maroquinerie bientôt complète, une vieille petite radio noire le suggère, tandis que s’enchaînent des courts sons d’ambiance, d’informations, de musiques — influences d’une vie, influences d’un disque, autobiographique : « Pili pili sur un croissant au beurre ». Une sélection d’images sonores défile dans nos oreilles. Elles dessinent l’arrière-plan de son inspiration et déjà, nous embarque dans l’Afrique natale de ce rappeur Franco-rwandais, et Burundais de naissance et de cœur : au bord d’un chemin de terre rouge, au creux d’une colline verte ensoleillée, on imagine un blédard qui se promène ou somnole, comme toujours, avec sa radio sur l’épaule ou à la main. Les séquences radiophoniques cèdent leur place à une séquence musicale d’introduction rythmée, cuivrée, et déjà bien sucrée. Formé des huit musiciens qui ont accompagnés la réalisation de l’album qui sortira en septembre, le live band agite déjà les corps serrés dans une salle comble et cosmopolite, avant d’accueillir le Maître de Cérémonie café au lait du duo désormais culte, Milk Coffee and Suggar. Ecrite il y a dix ans, A-France lance un show explosif de deux heures trente inoubliables.
Métissages
Doux et percutant, son phrasé nous accroche à ses rimes sobres et mélodieuses, soutenues par le double jeu de percussions, triplé d’une basse. Portées par les cordes envoutantes de Sacha. Enveloppées par la douce rondeur des cuivres. Percées par les mélodies aériennes ou purement rythmiques d’une flûte traversière un peu folle, aux accents jazzy. Et accompagnées du doigté du réalisateur de l’album sur un double clavier: Guillaume Poncelet, véritable maître-artisan sonore. La performance s’intensifie, les mains se lèvent, Gaël Faye gagne en confiance et en aisance. Les samples qui se promènent de refrains en complets sont parfois carrés et percutants, à l’honneur du Hip hop de ses influences. D’autres ont pris les couleurs musicales de l’Afrique des Grands Lacs, ou encore de l’Afrique cap-verdienne. Ce « fils du Hip hop » construit des frontières, souvent pour les briser, notamment grâce aux so good vibrations de sa musique, rayonnantes et explosives de générosité, de vie, d’authenticité, d’humanité partagée.
Partage
Sur ces compositions qui font danser nos émotions et nos corps, Gaël Faye danse aussi avec les mots, ses idéaux, ses pensées intimes en point d’interrogation. La richesse rythmique et mélodique des arrangements, c’est l’emballage musical du projet de toute une vie : les fragments poétiques d’une quête identitaire et authentique; la photographie intime des joies et des blessures du passé, entre Bujumbura, Londres et Paris. Exil, géopolitique, douleurs du métissage, critique capitaliste, le génocide rwandais (la radio du début peut alors aussi évoquer Milles Collines). Génocide qui hante sa mémoire familiale et auquel il riposte par la vie, celle de sa fille, honorée dans notre coup de cœur de l’album et de la soirée : Isimbi.
Sans barrières, Gaël Faye partage donc la vie, sa vie – mais pas seulement: la scène aussi. Plusieurs strates humaines de son parcours s’y rencontrent: Edgar, sa moitié musicale aussi écrivain, sucre l’ambiance, plus qu’elle ne l’est déjà. Les merveilleuses voix de Ben l’oncle Soul ou d’Oussman Danedjo l’adoucissent. Les impros du trompettiste, du percussionniste ou du flûtiste enflamment. Les slammeurs enchantent. La session freestyle impressionne, les performances s’enchaïnent: les plumes, jeunes et téméraires, d’un atelier d’écriture animé par Gaël et Edgar, l’ex-Saïan Leeroy, Beat Assaillant, un sage poète de la rue et tant d’autres.
Vivement la prochaine rencontre rimée et pimentée, entre tous ces fleuves d’humanités.
Lydie Mushamalirwa
http://www.lydiem.fr
Photos de Gaëlle Lepetit
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Plus d’informations sur sa page facebook et sur son site
EP digital Pili pili sur un croissant au beurre: déjà disponible
Premier album solo: dans les bacs le 24 septembre
Tournée prévue en automne
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