Regards – Florence Nief au Palais de Tokyo
Florence Nief est une jeune nouvelle venue de 50 ans, elle a parcouru le monde et partout y a rencontré l’universalité de la souffrance et de la rémission. Rien d’étonnant donc à ce que ce thème parcourt librement son œuvre, en un effort constant de réécriture existentiel. Peintre, plasticienne, les différentes facettes de son travail se complètent et s’appellent : le bonheur, la souffrance, la fête et la douleur.
Cette artiste influencée par le 11 septembre (elle devait se rendre dans les tours le 12 septembre à 9h) a déjà participé avec succès à la vente aux enchères caritative organisée par la Banque alimentaire « Frigo arts » où l’ensemble de ses créations ont été cédées. C’est dire si son art (imprégné d’art brut et d’éléments recyclés) se veut conscient.
Récemment, sous l’impulsion d’Innovative Fire Systems, un grand groupe spécialisé dans la protection incendie qui a déjà soutenu l’installation au Palais de Tokyo de The Blind Leading The Blind, sculpture monumentale de Peter Buggenhout, l’artiste s’est vue confier un projet inédit, de plus grande ampleur au regard de ses productions passées. S’appuyant sur les matériaux fournis par le mécène (peinture intumescente pour voitures, mousse polyuréthane isolante), elle peuple la galerie haute du Palais de Tokyo de mannequins démembrés, de moignons figés au regards uniques et étrangement expressifs. Récupérés dans le grenier d’un commerçant du Cher affichant à leurs pieds ou au dessus de leur têtes leurs pensées positives, ils persistent à vivre, envers et contre tout, usant des derniers gadgets high tech, comme si de rien n’était. Derrière eux, des miroirs, dessinés par Florence Nief, renvoie les images des mannequins et des visiteurs, corps artificiels et organiques mêlés.
De composition symétrique, l’exposition oppose d’une part deux groupes de ces mannequins (Les Résilients), et d’autre part, un Arbre de vie (une femme sereine et africanisante, sculpture ornant une composition de bois flottés) opposé à un cube Shelter (sorte de refuge kibboutz, fragile rempart contre la guerre et le carnage). Ici, les symboles sont nombreux et réparateurs, sans cesse axés vers le soulagement, vers une vie possible.
« Abandonnés, torturés, mutilés, morts de faim, enfermés, bâillonnés, méprisés, rejetés,
violés, enlevés, déplacés, pollués, terrorisés… traumatisés,
mais,
nous sommes, vous êtes, ils sont, tu es, je suis, debout, toujours !
? Champagne !
Oubliés, perdus, abusés, massacrés, assoiffés, malades, handicapés, relégués, cachés,
dédaignés,
mais,
nous sommes, vous êtes, ils sont, tu es, je suis, debout, toujours !
? Champagne ! »
Ces mots accueillent le visiteur sur l’abri, dans lequel deux sièges se font face, sous les reflets candides des flûtes de champagne alignées le long des murs. Derrière l’abri, un poisson tourne en son bocal, sa pensée d’une seconde rejoint la rotation du monde. De part et d’autre, des monticules de pneu ornés de Barbies « trashées » rappellent d’autres travaux antérieurs de Florence Nief. Plus loin un chandelier orné de coupes projette au sol une sculpture virtuelle vide. A noter également, la magnifique peinture Bonheur, dont le rouge sanglant attire l’œil comme la flamme d’un fanal.
Une exposition à voir, uniquement ce week end, de midi à minuit.
Mathilde de Beaune
[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=P-KvxulOWFY[/embedyt]
Regards – Florence Nief
Du 8 au 10 juin 2012
De midi à minuit
Palais de Tokyo
Galerie haute, espace privatisé
13, avenue du Président Wilson
75116 Paris
[Copyright photo : Valentine Caumin]
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