Festival de Cannes 2012
Petite fronde et grande jubilation. A l’heure du tweet tous azimuts, donc de l’information instantanée, Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, s’est appliqué à livrer la sélection officielle de sa 65ème édition avec une lenteur et un suspens étudiés, face à une assemblée compacte de journalistes ce jeudi 19 avril à Paris.
Petite fronde et belle jubilation : on y retrouve les grandes figures de la cinéphilie mondiale, nanties (quand même) de quelques outsiders, jeunes prometteurs ou revenants inattendus. Un savant dosage entre glamour et films d’auteurs, cinéma « du milieu » et expérimentations plus audacieuses. La Croisette, de fait, a construit sa légende sur ces « voyages » immobiles, souvent incandescents, parfois surprenants, tellement plus amples et troublants, de toute façon, que les 140 signes des gazouillis d’internet ! Pour preuve : voici les tendances manifestes de cette cuvée 2012 — riche et hétérogène, forcément, puisque forte de 54 longs métrages en compétition — en guise de petits… plaisirs et de grandes… espérances, bien sûr !
En terre plus ou moins connue
Le Festival a ses chouchous, ses familiers, ses hôtes privilégiés. Ceux qui dessinent sinon une carte du tendre, en tout cas la fameuse « Cannes’ touch ».
La 65ème édition, sans autres frontières qu’une certaine exigence formelle, n’échappe pas à cette règle officieuse, puisque l’on retrouve 4 ex-Palmes d’or en compèt’: le Britannique Ken Loach (pour La Part des Anges, une comédie sociale !), l’Autrichien Michael Haneke (pour Amour, avec les trop rares Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva), l’Iranien Abbas Kiarostami (Like someone in Love) et le Roumain Cristian Mungiu (avec Au-delà des collines).
Autres invités « inévitables » (dès lors qu’ils ont un long métrage sur le feu) : le très attendu David Cronenberg (avec Cosmopolis, adaptation du livre de Don DeLillo), le non moins « culte » et nettement plus expérimental (et mexicain !) Carlos Reygadas (avec Post Tenebras Lux) ou le « résident » quasi-permanent Hong Sang-soo (l’un des grands de la nouvelle vague coréenne, ici avec In Another Country).
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Made in USA
Le Festival a toujours entretenu une relation fascinée — et réciproquement — avec nos « amis américains » (l’autre « pays du cinéma »…). L’édition 2012 ne déroge pas, non plus, à cette « rule » bilingue. Sauf qu’il ne s’agit plus, cette fois, d’osciller entre petits films « indé » fragiles et blockbusters tonitruants.
Du mélancolico-burlesque Wes Anderson, en ouverture (Moonrise Kingdom), au très fulgurant Jeff Nichols (auteur du formidable Take Shelter, bêtement négligé par la compétition officielle l’an passé, le voici parmi les grands en 2012 avec Mud), on est clairement tombés dans le chaudron magique des films dits « du milieu ». Assez raccord, en somme, avec la ligne éditoriale générale du Festival. Idem d’ailleurs du côté du réalisateur Lee Daniels (auteur du bouleversant Precious en 2009, il concourt lui aussi pour la Palme cette année avec The Paperboy). Ou du côté d’Andrew Dominik – certes australien, mais travaillant aux States – qui retrouve Brad Pitt, après l’esthétisant et troublant L’assassinat de Jesse James, pour un polar annoncé comme « urbain » (un pléonasme ?) : Cogan : Killing Them Softly.
L’intéressant dans cette prégnance américaine, c’est qu’elle déborde même sur le réalisateur brésilien Walter Salles, qui adapte « the » roman de la culture beatnik, à savoir Sur la route (d’après Jack Kerouac, donc). Produit par les Coppola père et fils, il briguera lui aussi la Palme cette année. Very attractive, indeed !
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French touch
Quoi de commun entre la vitalité inaltérable d’un Alain Resnais (Vous n’avez encore rien vu, titre narquois pour une relecture d’Eurydice), la romance nerveuse de Jacques Audiard (De rouille et d’os, une histoire d’amour entre le comédien belge phénomène Matthias Schoenaerts et « la » Cotillard), le casting « joueur » du nouveau film du revenant Leos Carax (Holy Motors, avec Denis Lavant et Kylie Minogue) ? Rien sans doute, sinon une nationalité — française — et l’affirmation d’un cinéma créatif, jamais en repos.
Les trois se retrouvent en lice, eux-aussi, pour la Palme. Ils seront accompagnés, hors compétition cette fois, par le nouvel ouvrage de Claude Miller, Thérèse Desqueyroux (d’après Mauriac). Le cinéaste français, décédé début avril, était l’un des « chouchous » de Cannes (il fut tour à tour juré et sélectionné) : la montée des marches avec toute son équipe – la dernière puisque ce sera également le film de clôture – s’annonce comme l’une des séquences émotion…
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Stars à la barre
De fait, le talent de Cannes, outre sa programmation dense et hétérogène, c’est d’alimenter judicieusement le buzz, douze jours durant, en déployant ses stars et ses paillettes, ici et là sur la Croisette. Limousines noires, tapis rouge, robes avantageuses ou nœuds pap, flashs crépitants et strass : nombre de VIP aiment à y pointer le bout de leur nez poudré ou de leur talon aiguille. Toutes générations confondues.
On y attend donc, pour les plus jeunes : Robert Pattinson et Kristen Stewart (oui, « ceusses » de Twilight). Pour les plus « Hollywood boulevard » : Brad Pitt et Nicole Kidman. Pour les plus « hype » : Charlotte Gainsbourg et Pete Doherty, mais encore les sexy Benicio Del Toro, Audrey Tautou, etc., etc. A noter que la maitresse de cérémonie, cette année, sera Bérénice Béjo, la jolie chorus girl de The Artist (en lice l’an passé) : un trait d’union finalement emblématique entre l’Europe et l’Amérique, isn’t it ?
Chemins de traverses
Ultime rubrique mais non des moindres, celle qui donne à voir quelques écarts et autres sorties aventureuses en termes de cinéma. La fameuse « fronde » annoncée en début d’article. De fait, l’édition 2012, très organisée sinon segmentée, a préféré nicher ses films plus « radicaux » dans la section Un certain regard, voire dans ses « séances spéciales ». On ira donc volontiers y faire un détour, d’autant que c’est ici que seront projetés cinq premiers films (originaires d’Inde, du Canada, de Colombie, d’Argentine ou des Etats-Unis), mais encore quelques outsiders insolents (le très jeune Canadien Xavier Dolan, le très passionnant Joachim Lafosse, les très libertaires Benoit Delépine et Gustave Kervern, le très lyrique et Chinois Lou Ye). Qui sait : les stars et autres « résidents permanents » de demain ?
Ariane Allard
A découvrir sur Artistik Rezo :
– Festival de Cannes 2012 – sélection officielle
– Compte rendu du Festival de Cannes 2012
– A mi-parcours du festival
– Le palmarès
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