Pop’pea – Théâtre du Châtelet
Le compositeur Michael Torke, inspiré par le jazz et le minimalisme, s’empare de cette musique pour la rapprocher de nos modernes opéras-rock. Cette adaptation est interprétée par un groupe de rock, pour donner aux harmonies de Monteverdi une sonorité électrique, défendue par de véritables stars de la scène rock et pop.
Rome brûle par Ian Burton
En parcourant les premières éditions de la partition de Monteverdi, j’ai compris que presque tout devait être réécrit ! En effet, les portées dévoilaient un squelette qui appelait à être étoffé et adapté. L’ensemble, excepté la ligne mélodique de base, devait être réalisé, improvisé et reconstruit en accord avec ce que nous connaissons de la pratique de l’opéra vénitien naissant… ou pas !
Si l’approche de Raymond Leppard dans les années 60 et 70 diffère de celles, plus récentes, de William Christie, Marc Minkowski, Emmanuelle Haïm… un élément demeure constant: les mots de Busenello. Car rares sont les opéras marqués d’une telle exigence littéraire et dramaturgique. Le livret d’Il Nerone, plus proche de Shakespeare que de Bellini, compte parmi les meilleurs jamais écrits. Comment alors réécrire, réorganiser la narration, inclure des paroles rock ?
Pour Michael Torke, la mission d’adapter cette partition riche en syncopes en rock, rap, folk et rythm & blues s’est révélée des plus passionnantes. Comme lors des premières représentations de 1640, tout dépend du talent d’improvisation des interprètes… et le Châtelet a rassemblé une véritable constellation de chanteurs et musiciens rock.
Le traitement par Busenello de la brûlante passion de Néron pour Poppée est manifestement ambigu. Quelle lecture avoir du portrait qu’il dresse de ces deux individus assoiffés de pouvoir ? Pourquoi les représente-t-il comme des adolescents amoureux pour la première fois ? Les récits des historiens romains brossent, eux, une image scandaleuse avec laquelle même le Roma de Fellini peine à rivaliser. Le nihilisme et le blasphème de Néron nous plongent bien plus sûrement dans le monde contemporain du punk et du post-punk.
Cette ambiguïté morale de la présentation de Néron et Poppée est profondément dérangeante. Texte et musique semblent transcender le matériel. Mais c’est certainement dans le personnage de Sénèque que réside la pierre angulaire morale – s’il en est une – de l’œuvre. Son suicide et ses discours moraux font de lui une figure à la fois proche et lointaine. Ce qu’en définitive cet opéra donne à voir, c’est un groupe d’individus consumés par une multitude d’émotions au milieu desquelles nous les regardons se débattre avec fascination et horreur.
Conférence jeudi 24 mai présentée par Ian Burton (entrée libre)
Pop’pea
Arrangement : Michael Torke
Livret : Ian Burton
Direction musicale et orchestration : Peter Howard
Co-orchestration : Max La Villa
Avec : Valérie Gabail (Poppée), Carl Barât (Néron), Marc Almond (Sénèque), Fredrika Stahl (Octavie), Benjamin Biolay (Othon), Anna Madison (Drusilla) et Joel O’Cangha (Lucano)
Conception scénique Pierrick Sorin et Giorgio Barberio Corsetti // Costumes : Nicola Formichetti // Batterie : Peter Howard // Percussions : Chris McComish // Guitares : Max La Villa // Basse : Gareth Williams // Claviers : Angie Pollock et William Drake
Du 29 mai au 7 juin 2012
Théâtre du Châtelet
1, place du Chatelet
75001 Paris
M° Châtelet les Halles
[Crédit visuel : (c) conception Pierrick Sorin / réalisation Julien Le Tallec]
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