Pelléas et Mélisande – Opéra Bastille
La mise en scène picturale de Robert Wilson part à la rencontre de ce poème symbolique de Maurice Maeterlinck. Dès la première seconde, on reconnaît les procédés chers au metteur en scène : le plateau éclairé en fond de scène par un écran de couleur lumineux et bleuté, variant en degré selon les émotions des personnages. La scénographie crée le mystère et l’intensité dramatique. Tout est suggéré comme le ciel bleuté traversé par des pans de rideaux verticaux qui évoquent les arbres de la forêt ou la rivière imaginaire sur laquelle se penche la jeune Mélisande, personnage mystérieux de contes de fées, tantôt naïade meurtrie, tantôt dame aimée et désirée des romans de chevalerie. Différents niveaux de l’espace apparaissent comme par magie dans une grande économie de moyens. La sobriété des décors confère tout pouvoir aux chanteurs. La scène de la chevelure (sans chevelure) est de toute beauté dans l’esprit du Moyen-Âge. La jeune fille apparaît comme en haut d’une tour, inaccessible pour le jeune homme à genoux, chevalier servant.
La mise en scène désincarne les corps qui deviennent des éléments esthétiques de tableaux vivants. Simples silhouettes hiératiques dans l’ombre ou parfois derrière un voile de grisaille, les corps s’estompent voire menacent cruellement. Robert Wilson distancie le personnage par une gestuelle théâtrale réduite à l’essentiel et par des attitudes figées comme en suspens. Les personnages mystérieux s’éloignent ainsi de la réalité de leur corps pour devenir universels et intemporels, ce qui cadre bien avec l’esthétique symbolique du poème et suscite la dimension sacrée du théâtre que subliment les voix des chanteurs lyriques. Ces voix toutes puissantes matérialisent et sacralisent la vie.
Et quelles voix ! Stéphane Degout incarne la douceur et la puissance de la jeunesse en Pélleas. Dans son costume blanc en harmonie avec celui de Mélisande, il s’oppose au douloureux Golaud, proche de Saturne et de CaIn que propose Vincent Le Texier, enfermé dans une dimension très sombre. Le superbe baryton du rôle de titre de Wozzeck donne toute sa force tragique au personnage. Sa jalousie retenue explose dans la superbe scène avec son jeune fils. Enfin, Elena Tsallagova éblouit de noblesse et de pureté. Sa voix ronde et mélodieuse charme autant que sa présence. Après la magnifique Petite renarde rusée, elle incarne Mélisande, jeune fille mélancolique qui s’éteint dans la fleur de l’âge.
Le metteur en scène, en grand magicien, charme le public qu’il fait respirer au rythme lent de cette cérémonie sacrée.
Marie Torrès
Pelléas et Mélisande
Opéra de Claude Debussy
Philippe Jordan, Direction musicale
Robert Wilson, Mise en scène et décors
Frida Parmeggiani, Costumes
Heinrich Brunke et Robert Wilson, Lumières
Holm Keller, Dramaturgie
Alessandro di Stefano, Chef de chœur
Stéphane Degout, Pelléas
Vincent Le Texier, Golaud
Franz Josef Selig, Arkel
Jérôme Varnier, un Médecin, le Berger
Elena Tsallagova, Mélisande
Anne Sofie von Otter, Geneviève
Julie Mathevet, le petit Yniold
Orchestre et chœur de l’opéra national de Paris
7 représentations du 18 février au 16 mars 2012 :
mardi 28 février 2012 à 19h30, vendredi 2 mars 2012 à 19h30 , lundi 5 mars 2012 à 19h30, jeudi 8 mars 2012 à 19h30, dimanche 11 mars 2012 à 14h30, mercredi 14 mars 2012 à 19h30 et vendredi 16 mars 2012 à 19h30
Tarifs : 140€ // 115€ // 90€ // 75€ // 55€ // 35€ // 15€ et 5€
Réservations par téléphone : 08 92 89 90 90 (0,337€ la minute) téléphone depuis l’étranger : +33 1 72 29 35 35 par Internet : www.operadeparis.fr aux guichets : au Palais Garnier et à l’Opéra Bastille tous les jours de 14h30 à 18h30
sauf dimanches et jours fériés
En direct sur operadeparis.fr et medici.tv, à 19h30 le vendredi 16 mars 2012, et sur les applications mobiles de medici.tv.
Opéra Bastille
M° Bastille
[Visuels : Opéra national de Paris / Charles Duprat]
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