La Dame de Pique – Tchaïkovski – Opéra Bastille
Quel dommage… Quand on bénéficie d’un si beau plateau vocal, pourquoi donc reprendre les vieilles recettes qui n’ont jamais eu aucun goût ? Le metteur en scène Lev Dodin a beau essayé de faire sa propre sauce avec cette Dame de Pique, rien à faire, il dénature à la fois l’œuvre de Tchaïkovski et de Pouchkine. Quel choix faire ? Suivre un homme tomber progressivement dans la folie ou le découvrir dès le début à moitié fou ? Lev Dodin a préféré choisir la deuxième option. Voici son argument : Le spectacle se déroule comme un long flash-back qui commence par l’épilogue.
On sait donc déjà comment va se terminer l’opéra… Que celui-ci se déroule entièrement dans un asile, très bien, mais qu’il soit un minimum « convivial », si tant soit peu qu’un asile puisse l’être. Oubliez donc celui de Batman à Arkham, de Samuel Fuller dans Shock Corridor ou encore celui de Peter Brook dans Marat-Sade, nous sommes à l’hôpital Oboukhov de Saint-Pétersbourg. Lev Dodin a beau être russe, on ne verra cependant rien du pays des Tsars. Une peine pour les spectateurs qui doivent se contenter d’une partie de colin-maillard et de quelques camisoles vêtues par le chœur. Entre la Norma de Peter Mussbach au Théâtre du Châtelet en 2010 et cette production, l’asile colle décidément mal à la ville de Paris. Tant mieux pour nous me direz-vous.
La voix Russe
Cela devient une habitude à l’Opéra National de Paris : présenter des mises en scène décourageantes, mais réunir des plateaux vocaux à chaque fois déchirants. Fermons donc les yeux à nouveau et laissons-nous emporter par la puissance de Vladimir Galouzine habité en Hermann, la retenue maîtrisée et imposante de Ludovic Tézier (Prince Elestki), la mélancolie et magnifique amertume de Larissa Diadkova (La Comtesse) et enfin le romantisme caressant d’Olga Guryakova (Lisa). Ce sont dans leur voix que l’on retrouvera l’âme russe si propre à Gogol, Dostoïevski et Pouchkine.
On remarquera au passage que cette production est à 98% composée de Russes avec compositeur, chanteur, metteur en scène, décorateur et chef d’orchestre. A la tête de l’Orchestre National de Paris, le jeune Dmitri Jurowski suit sans embuche les pas de sa famille, lui qui succède à la direction de son frère lors de la création de cette production à Paris en 1999.
Pour le reste, on s’en remettra donc à la nouvelle de Pouchkine que l’Opéra de Paris a la bonne idée d’inclure dans son programme, comme toujours d’une extrême richesse. Une aubaine puisqu’il s’agit de la traduction faite par Prospère Mérimée. Une chose est certaine : la perspective Nevsky y est mieux perceptible que sur la scène Bastille.
Edouard Brane (Twitter: Cinedouard)
La Dame de Pique
Musique de Piotr Ilyitch Tchaïkovski
Livret de Modeste Tchaïkovski, d’après Alexandre Pouchkine
Mise en scène de Lev Dodin
Direction musicale : Dimitri Jurowski
Avec Vladimir Galouzine (Hermann), Evgeny Nikitin (Comte Tomski), Ludovic Tézier (Prince Eletski), Martin Mühle (Tchekalinski), Balint Szabo (Sourine), Larissa Diadkova (La Comtesse), Olga Guryakova (Lisa), Varduhi Abrahamyan (Paulina) et Nona Javakhidze (Macha)
Décors : David Borovsky // Costumes : Chloe Obolensky // Lumières : Jean Kalman // Chorégraphie : Yuri Vasilkov // Dramaturgie : Mikhail Stronin // Collaboration artistique : Valery Galendeev // Chef de chœur : Alessandro Di Stefano
Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine/Choeur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Opéra Bastille
M° Bastille
[Crédit : Opéra national de Paris/ E. Mahoudeau]
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