Henri Cartier-Bresson / Paul Strand, Mexique 1932-1934 – Fondation HCB
A l’automne 1932, Paul Strand (1890-1976) quitte les Etats-Unis et une vie personnelle en crise pour le Mexique. C’est sur une invitation de Carlos Chavez, rencontré un peu plus tôt et désormais responsable de la culture au ministère de l’éducation que Strand découvre ce pays dont il disait « Je pensais au Mexique comme quelque chose de mystérieux, sombre et dangereux, inhospitalier. »
Strand restera pourtant deux ans au Mexique jusqu’à son retour à New York en décembre 1934. Le soutien de Carlos Chavez s’avère très important et permet à Strand d’exposer pour la première fois au Mexique à la Sala de Arte du ministère de l’éducation en février 1933.
Après ce premier succès, il part au printemps 1933 enquêter sur l’art et l’artisanat mexicain dans l’état du Michoacán. Fasciné par la culture indigène et la piété des habitants, il ramènera de cette mission des portraits de statues religieuses, d’hommes, de femmes et d’enfants dans les rues, de paysages et d’architecture. Il est ensuite nommé directeur des activités photographiques et cinématographiques du ministère de l’éducation et on lui confie la réalisation d’une série de films sur le Mexique. Il travaille alors au scénario de son premier long-métrage Redes qui se veut un docu-fiction basé sur la lutte d’un groupe d’hommes, des pêcheurs, contre une société corrompue. Les acteurs du film sont principalement les habitants du village d’Alvarado. La réalisation est complexe mais le film est finalement projeté au théâtre Juarez de Alvarado le 4 juin 1936.
A peine un an plus tard, c’est sous le titre The Wave que le public américain découvre ce film très largement influencé par le cinéma russe. Malheureusement, le nouveau gouvernement mexicain mis en place en 1934 avec l’élection de Lazaro Cardenas abandonne le projet de série de films et Strand décide donc de rentrer à New York. Il délaisse alors la photographie, s’engage auprès de l’association de cinéastes Nykino, se consacre au cinéma politique et devient président de Frontier Film, nouveau nom de Nykino.
En 1940, grâce au soutien financier de Virginia Stevens, sa nouvelle épouse, il publie Photographs of Mexico, un portfolio, édité en 250 exemplaires, de 20 photogravures soigneusement assemblées. Un exemplaire sera présenté dans l’exposition.
En 1951, alors que la chasse aux sorcières est lancée aux Etats-Unis par McCarthy, Strand décide de s’installer à Orgeval, en France, où il passera la fin de sa vie. Henri Cartier-Bresson (1908-2004) débarque à Mexico en juillet 1934. Il fait partie d’une mission ethnographique menée par le Docteur Julio Brandan et soutenue par le musée du Trocadéro pour suivre la construction d’une grande route panaméricaine. La mission s’engage mal car les financements promis par le gouvernement mexicain se font attendre. La majorité des membres de l’expédition rentre alors en France, déçus de voir le projet abandonné. Mais HCB décide de rester car « il éprouve un vrai coup de foudre pour ce pays ».
Surnommé « le petit français aux joues de crevette » par Lupe Cervantes, sa « fiancée » mexicaine, Cartier-Bresson parcourt le pays avec son Leica. Il se débrouille donc pour survivre dans ce pays, se lie d’amitié avec des poètes comme Langston Hugues, Tonio Salazar ou Natcho Aguirre, se passionne pour les muralistes et leurs fresques révolutionnaires, travaille pour la presse comme Todo. Il expose au Palacio de Bellas Artes en mars 1935 avec le photographe mexicain Manuel Alvarez Bravo. « Au moment de partir, il se décrète à vie Français du Mexique. » Pendant son séjour, Henri Cartier-Bresson entretient de fréquents contacts avec le galeriste new-yorkais Julien Levy et lui propose d’exposer ses photographies récentes. Ce projet se réalisera en avril 1935 sous le titre « Documentary and Antigraphic photographs ». A cette occasion, il retrouvera le mexicain Manuel Alvarez Bravo et rencontrera Walker Evans qu’il estime profondément.
Dès son arrivée à New York, Henri Cartier-Bresson se tourne vers le cinéma, « j’ai cessé de photographier en 1935, quand j’étais à New York. La photographie n’a jamais été pour moi qu’un des différents moyens d’expression visuelle. […] je me suis donc mis, chez Paul Strand avec d’autres, à apprendre le cinéma. Je changeais d’outil. » Grâce à l’aide financière de ses parents, il s’achète une caméra 35mm et rejoint le groupe Nykino. Il apprend énormément de ce groupe de cinéastes engagés et à son retour en France, il assistera Jean Renoir sur plusieurs de ses films (La vie est à nous, Une partie de campagne). Ce n’est qu’en 1937 qu’il partira en Espagne réaliser des documentaires sur le front espagnol. (L’Espagne vivra, Victoire de la vie et With the Abraham Lincoln Brigade in Spain).
La mise en perspective de ces deux photographes ne va pas de soi. Les convergences sont nombreuses mais les styles varient profondément. À la fluidité du Français s’oppose l’immobilité de l’Américain. Tous deux voyagent au Mexique à la même époque, tous deux se croisent à New York en 1935, alors qu’ils rejoignent le groupe de cinéastes engagés Nykino, pour tenter une expérience cinématographique dans une phase clé de leurs deux carrières.
L’exposition présente 90 tirages en noir et blanc : les œuvres de Paul Strand proviennent de collections espagnole, américaine et mexicaine ; celles de Cartier-Bresson, dont certaines inédites, sont issues de la collection de la Fondation HCB. L’exposition sera présentée du 13 mai au 2 septembre 2012 au Point du Jour Centre d’art à Cherbourg.
L’exposition est accompagnée d’un catalogue, publié par Steidl, avec une préface d’Agnès Sire et un essai de Clément Chéroux.
Henri Cartier-Bresson / Paul Strand
Du 11 janvier au 22 avril 2012
Fondation Henri Cartier-Bresson
2, impasse Lebouis
75014 Paris
M° Gaîté
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