La Cenerentola – Opéra Garnier
Le spectateur s’émerveille du décor ingénieux de Jean-Pierre Ponnelle : celui-ci a des allures d’album de papier et installe le spectateur dans l’atmosphère du conte de fées. A la fois carton-pâte, grisâtre, à moitié achevé, avec un toit qui laisse passer, de manière très réaliste, la pluie, il est à l’image de la misère du baron. Véritable bric à brac, les pièces se révèlent les unes après les autres comme dans un album d’enfant qu’il faut actionner par un système de tirettes, ici ficelles du théâtre, échos symboliques du décor théâtral.
Sous une lumière dorée, la maison s’anime avec les chanteurs tantôt marionnettes, tantôt chanteurs des registres séria et buffa. S’opposent les deux sœurs « pantins » dans des toilettes blanches à dentelles de poupées, rehaussées de coiffures cocasses à Cendrillon, très réaliste dans une tenue jaunâtre sans apprêt. Le père, lui, vient tout droit de la commedia dell’arte, c’est Pantalon, le barbon désagréable et profiteur, tandis que Dandini, le valet du prince a des allures d’Arlequin, le valet espiègle et débrouillard. Par un subtil jeu de travestissement qui n’est pas sans rappeler les pièces de Marivaux, la comédie à l’enjeu de taille : la découverte de son identité par l’amour, l’opéra réglé en tout point enchante le spectateur. C’est un jeu subtil de regards, de gestes, d’émotions devinées, retenues ou éclatantes, de courses à travers la scène, de postures et déplacements grotesques, de sorties et d’entrées minutées, de jeux de scène comiques.
L’interprétation de Karine Deshayes, mozartienne de premier ordre entendue dans Cosi fan tut en juin dernier fait renaître Cendrillon avec beaucoup d’émotions et de puissance. La mezzo-soprano séduit par sa sincérité, sa grâce et sa voix flutée et forme avec Javier Camarena, touchant en Don Ramiro plein de sensibilité, un duo magnifique. Les scènes clefs de la rencontre et de la reconnaissance sont riches d’hésitations pudiques, de regards furtifs, de désir naissant de tout jeunes premiers amoureux. Très généreux dans son jeu, le Prince fulmine de rage tout en chantant divinement. Quelle présence que Carlos Chausson en Don Magnifico ! Quelle magnifique basse, pleine de ressources et de subtilités ! Avec un dynamisme et un plaisir évident, il interprète un barbon déraisonnable et sympathique. On retrouve des airs similaires à d’autres opéras de Rossini dans cet opéra composé en vingt-deux jours, mais sa richesse réside dans la subtilité des chants à plusieurs.
Les scènes de groupes sont sublimes de précision et de comique. Virtuosité, allégresse et rigueur les rythment dans une mise en scène ingénieuse et signifiante. On adore les délicieuses voix sopranos de Jeannette Fischer et de Anna Wall qui s’insinuent habilement en contrepoint des voix masculines. L’effet comique est à son comble. Ricardo Novaro excelle en Dandini vantard et gourmand, le baryton contribue vivement à cette vivacité pleine d’allégresse tandis qu’Alex Esposito incarne un Alidoro très plaisant.
Un enchantement dans le grisaille de novembre.
Marie Torrès
La Cenerentola
Musique de G. Rossini
Livret en italien
Direction musicale : Bruno Campanella
Mise en scène : Jean-Pierre Ponnelle
Avec Javier Camarena, Le prince, Don Ramiro
Riccardo Novaro, Dandini
Carlos Chausson, Le père, Don Magnifico
Jeannette Fischer, la soeur, Clorinda
Anna Wall, la soeur, Tisbe
Karrine Deshayes, Angelina
Alex Exposito, Alidoro
Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris
Prix des places : 5€, 15€, 40€, 75€, 105€, 130€, 150€, 170€ et 180€
Fin du spectacle vers 22h45
Palais Garnier
Place de l’Opéra
Métro Opéra
[Crédit photos : Opéra national de Paris / Agathe Poupeney]
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