La confession du pasteur Burg – Jacques Chessex – Manufacture des Abbesses
« Le diable se cache dans les détails ». Certainement. Et avec application. Tout commence avec le scrupule, l’enthousiasme louche, l’entrain du Pasteur Burg à dénoncer le péché, ceux de ses paroissiens et les siens propres. Ce jeune pasteur, fervent et absolu jusqu’à la démence, va laisser le petit caillou de sa sandale devenir la roche qui les écrasera tous.
La confession du pasteur Burg est un roman de Jacques Chessex, écrivain angulaire de la littérature suisse. Ce court récit paru en 1967 fut d’emblée taxé de scandaleux, car dépeignant le amours d’un pasteur avec une mineure, la confrontation entre l’austérité d’un calviniste, et l’humeur buté des paysans de Vaux. Pour se venger de ces ruraux sournois et veules, le berger de la communauté choisira de souiller la plus pure d’entre eux, la jeune catéchumène Geneviève, fille d’un gros propriétaire local. Jusqu’à la tragédie finale…
L’adaptation théâtrale n’eut lieu qu’en 2006, à Genève, à l’insu-même de son auteur ! Celui s’empressa de débarquer manu militari dans la salle de répétition, sommant l’acteur de jouer devant lui. À la fin de la représentation, serrant l’acteur dans ses bras, il lui glissera : « Grâce à vous, j’aime mieux mon roman. »
Que dire du texte, brillant et foisonnant ? La langue châtiée, et dangereusement habillée par le ton doucereux de Landenberg, monte en violence et finit par crever le plafond, comme un coup de poing à Dieu. Le monologue ne renie pas son aspect littéraire, qui le transforme en confession. Le phrasé est long, et la diction admirablement nuancée : parle-t-on de « fureur » ou de « Führer » ? On croirait voir le Frollo de Notre-Dame de Paris, traîné à terre par un coupable Kafka. Le corps, conspué, méprisé, puis courtement réhabilité quand le pasteur tombe amoureux, semble esquissé par Schiele, tant il est exhibé dans sa nudité morale. L’acteur incarne à merveille un pervers narcissique, attirant à lui le papillon du public, afin de le brûler à sa flamme mystique. Avide de détruire ce qu’il aime (au final, c’est à dire toujours soi), il invective comme il pourrait lancer une estocade.
On ne peut en que saluer la mise en lumière subtile : le choix audacieux de tamiser l’ambiance jusqu’au minimaliste peut en surprendre plus d’un, mais Didier Nkebereza a du batailler pour parvenir à cette luminosité mourante ; la pénombre, propice à la confession, amène le spectateur à compenser par ses autres sens sa vue défaillante. Petit à petit, on est irréversiblement attiré par l’acteur et vers sa destruction ultime.
Mathilde de Beaune
[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=zHsA4n0TLrU[/embedyt]
La Confession du Pasteur Burg
De Jacques Chessex
Mise en scène de Didier Nkebereza
Avec Frédéric Landenberg
Du 11 octobre 2011 au 29 janvier 2012
Les mardis, mercredis,jeudis, vendredis, samedis a 19h
Relâche le 24 décembre
Tarifs : 24 € // 13 €
La Manufacture des Abbesses
7 rue Véron – 75018 Paris
M° Pigalle ou Abbesses
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