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Stravinsky et Jörg Widmann – Orchestre Philharmonique de Radio-France

16 octobre 2011
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Les Scènes de ballet d’Igor Stravinsky sont une oeuvre particulièrement peu connue. Il ne semble pas en exister d’enregistrement actuellement disponible. Elles s’inscrivent dans le vaste répertoire pour la danse du compositeur russe.
Elles furent écrites en 1944 pour une compagnie de Broadway, au milieu d’œuvres appartenant à l’univers de la comédie musicale. Il s’agit d’une suite de danses classiques, sans argument. En pleine période néo-classique, Stravinsky refusait toute musique descriptive.

L’effectif donne la part belle aux cuivres (trois trompettes, trois trombones et un tuba), les bois sont par deux, sauf le basson en solo. L’orchestre compte également un piano.

John Storgårds, jeune chef finlandais invité, 48 ans, est directeur musical de l’orchestre philharmonique d’Helsinki depuis trois ans. Il a exercé l’essentiel de sa carrière dans les pays scandinaves, et commence à être invité fréquemment en Allemagne, au Royaume-uni, et en Amérique du Nord. Il présente, dès le début de l’exécution, une stature imposante, et donne de l’amplitude à une partition sans réelles difficultés techniques, si ce n’est une certaine sécheresse provoquée par l’écriture systématique du compositeur russe.

L’écriture est en effet très classique pour Stravinsky. On y retrouve dès l’introduction les habituels accords majeurs-mineurs, et l’écriture bi-tonale qui semble susciter parfois quelques difficultés de justesse aux cors. Apparaissent aussi ces figures d’arpèges aux cordes graves en superposition de quartes ou de quintes, fréquentes dans toutes les partitions du compositeur des années trente.

L’orchestration est parfois brillante, comme dans la première Pantomime, où les figures rapides du piano s’intègrent merveilleusement dans le tissu orchestral entre vents volubiles et cordes légères. Soulignons l’excellente cohésion, tout au long du concert, du quintette à cordes, point fort de l’orchestre.
La palette s’enrichit au fur et à mesure que les danses s’enchaînent – nous entendons ainsi dans le pas de deux de très belles sonorités de trompettes avec sourdines – et nous guide progressivement vers l’Apothéose finale, qui oppose les harmonies du début de l’oeuvre aux cordes graves, et n’est pas sans évoquer le final de la Symphonie des psaumes.


Le Concerto pour violon et orchestre de Jörg Widmann
est une création française. Jeune compositeur allemand qui n’a pas encore quarante ans, il est également clarinettiste. C’est par l’improvisation qu’il est venu à la composition, ce qui s’entend fortement dans son oeuvre où le caractère gestuel de l’écriture instrumentale prime sur tous les autres paramètres du son : il ne semble d’ailleurs pas y avoir une écriture harmonique à proprement parler, ni de forme. L’ensemble du discours musical se plie à la conduite linéaire et sans interruption du soliste.
Cet élève de Wolgang Rihm (ce qui s’entend beaucoup aussi) compose d’ailleurs sans plan structuré, à sa table, et avance au fil du crayon jusqu’à épuisement.

Le concerto est admirablement défendu par Christian Tetzlaff, dont la sonorité et l’engagement sont exceptionnels. L’introduction du violon seul est magnifique, empreinte d’un grand lyrisme, et expose l’ensemble du matériel mélodique, fait de figures chromatiques et conjointes, d’un caractère particulièrement expressionniste, sur l’aigu de la corde grave.

L’effectif instrumental a été pensé pour ne pas couvrir le violon : bois par deux, quatre cors, un piano, une harpe, deux percussionnistes qui procèdent par petites touches (les crotales frottées à l’archet sont totalement inaudibles), et les cordes.

La première moitié de l’œuvre s’articule comme un grand et lent crescendo de l’effectif orchestral, le soliste passant quant à lui progressivement du grave et du médium vers le registre aigu, premier tutti et premier forte de l’orchestre. C’est donc un schéma très simple, à l’intérieur duquel le violon solo ne cesse d’enchaîner phrases sur phrases dans une intensité de plus en plus forte.

Il parait ensuite difficile de saisir une forme, si ce n’est une alternance de moments piano, au celesta, au glockenspiel, puis à la harpe, les pupitres de cordes divisés de l’orchestre reprenant en imitation des phrases du solistes, et quelques brefs tutti forte. L’écriture durchkomponiert s’impose donc. Après de belles sonorités, et de fortes tensions aux cors, l’oeuvre ne conclut pas, elle s’arrête simplement.

Christian Tetzlaff, très applaudi, donne en bis l’Adagio de la Sonate en Do majeur de Bach.

La Symphonie en Ut Majeur de Stravinsky, bien que plus connue que la première œuvre du programme, n’est pas l’œuvre la plus célèbre du compositeur russe. De facture très néo-classique, elle s’inspire formellement de Haydn, mais aussi de la première symphonie de Tchaïkovski. L’oeuvre est en do majeur, même si, dès le premier thème, on s’oriente plutôt vers le mode de sol, et lorsque l’on module en sol, c’est le mode de fa qui domine (donc, sur do, c’est là qu’est l’astuce…). L’effectif est par deux, avec une troisième flûte piccolo, et trois trombones et un tuba.

Les deux premiers mouvements, composés en Europe, utilisent des motifs rythmiques et des harmonisations plus traditionnels. Les passages lyriques des vents contrastent avec l’urgence de la pulsation aux cordes.
Dès le début du premier mouvement, comme on pouvait le penser au regard des Scènes de ballet, John Storgårds est beaucoup plus à l’aise dans les passages lents qu’il maîtrise par le poids de sa gestuelle, que dans les passages rapides, dans lesquels chaque départ de pupitre s’enchaînant à un autre, notamment entre vents et cordes, est un peu flottant.

Le mouvement lent, dans lequel les cuivres sont absents la plus grande partie du temps, s’ouvre sur de très belles sonorités de hautbois dans le grave, et son exécution (c’est un Larghetto) est bien mieux surmontée et aboutie.

Les deux derniers mouvements, composés aux Etats-Unis, utilisent des changements de rythmes fréquents et sont beaucoup plus chromatiques. Le scherzo, au caractère vigoureux, est construit sur la répétition rapide d’une quarte, et est le seul mouvement qui développe des changements de mesures. La précision rythmique des parties de trombones parait difficile à acquérir. La fin, plus ample, présente une belle harmonie aux vents et violoncelles.
Le dernier mouvement, après une belle introduction dans le grave des bassons, trombones et cors, expose un thème en fugato, aux cordes graves et alti d’une cohésion et d’une puissance impressionnante.

C’est sous les applaudissements généreux du public et des musiciens de l’orchestre que le chef finlandais est venu saluer.

Laurent Torrès

Scènes de ballet
Igor Stravinsky       

Concerto pour violon et orchestre Création française
Jörg Widmann                 

Symphonie en ut majeur
Igor Stravinsky    

Trois formes

Christian Tetzlaff, violon
Orchestre Philharmonique de Radio France – www.concerts.radiofrance.fr

John Storgårds, direction

Vendredi 14 octobre 2011 – 20h
Concert en direct sur France Musique

Tarifs : 45 € // 35 € // 25 € // 17 € // 10 €

Salle Pleyel
252, rue Fbg Saint-Honoré
75008 Paris
M° Ternes

[Visuels : Crédit Marco Borggreve]

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