Habemus Papam – film de Nanni Moretti
Nanni Moretti est un habitué du Festival de Cannes, dont il a reçu la palme pour La Chambre du Fils en 2001. Cependant on peut dire que ce nouvel opus y a été accueilli plutôt fraîchement ; inachevé pour certains, timide ou tiède pour les autres. Commençons par les bons côtés.
Nanni Moretti poursuit sa satire des fondements sociaux les plus élémentaires : la famille, la politique, la religion. C’est à cette dernière que le film s’intéresse, à l’instar de La messe est finie (1985). Alors que l’on s’attendait à une critique virulente des rituels fastes d’une institution surannée, le film surprend par sa tendresse : les prélats sont représentés comme gaffeurs, gentiment manipulateurs, imparfaits, têtus ou chicaneurs. Nulle curée dans la Curie. Ce film ne sera pas politique, mais simplement humain. L’interprétation de Piccoli y est pour beaucoup : fragile, dépassé, Melville, l’homme propulsé à la tête du Vatican, succombe sous la lourde tâche qu’on lui impose. En pleine crise existentielle, puis en cavale, l’acteur impressionne par sa douceur émaillée de brusques et justes explosions de colère. Le scénario, librement inspiré des atermoiements de Jean-Paul 1er, explore un sujet intéressant : les destinées historiques fulgurantes, l’envers du décor, la sauvegarde des apparences.
La religion n’est pas la seule cible ici, et Nanni Moretti fourre la psychanalyse, cette nouvelle religion, dans le même panier. Tout aussi pathétique, son personnage s’efforce de convertir les cardinaux aux « dangereuses élucubrations » freudiennes. La première entrevue entre le médecin et l’héritier de saint Pierre est, à ce sens, assez hilarante.
Malheureusement le film pêche également par certains côtés, notamment du fait d’un rythme incohérent. Alors que le début démarre très rapidement, plaçant le spectateur in media res, par la suite l’action patine un peu (notamment le très long tournoi de volley-ball, pas inintéressant, mais qui aurait mérité une bonne coupe claire à la tonsure). Le cheminement têtu de Melville à travers les rues, à la recherche d’une solution, s’égare petit à petit, ce qui fait que l’une des métaphores finales (le théâtre rejoignant la religion dans sa pourpre, ses simulations, ses gesticulations) s’essoufle lentement. Nous restons sur notre faim, tout comme les personnages du film, égarés, dé-capités, privés de chef. Tout comme le pape, on suspecte Nanni Moretti d’avoir relâché les rênes de son Église.
Mathilde de Beaune
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Habemus papam
Film de Nanni Moretti
Avec Michel Piccoli, Nanni Moretti et Jerzy Stuhr
- 5 nominations : Palme d’Or, Grand Prix, Prix du Jury, Prix du Jury Oecuménique et Prix de la Jeunesse
Nastri d’Argento – Prix de la presse italienne 2011
- Nastro de la meilleure production
- Nastro des meilleurs costumes
- Nastro des meilleurs décors
- Nastro de la meilleure photographie
- Nastro du meilleur sujet
- Nastro du meilleur film
Sortie le 7 septembre 2011
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