Itinérances – Galerie Polka
« Mémoires de la lumière » de Daido Moriyama
Grand admirateur de Jacques Kerouac et revendiquant l’influence de William Klein, le japonais Daido Moriyama a sillonné le Japon de l’après-capitulation de 1945 pour en rapporter sa vision d’un empire en pleine mutation. On découvre à travers ses clichés si typiques, en noir et blanc, granuleux, saturés, surexposés, le tableau d’un pays inquiet, oscillant entre tradition et modernité, en perte de repères face à une occidentalisation galopante. Immortalisant des scènes de rue, ramenant des portraits d’enfants ou de femmes, ce photographe né à Osaka en 1938 a laissé son inspiration venir au gré de ses pérégrinations, avec comme fil d’Ariane, ses souvenirs.
Paris Impérial de Massimo Siragusa
Quel parisien(ne) n’a pas regardé parfois amusé, ou moqueur, ces touristes écoutant doctement du haut d’un bus impérial les commentaires du haut-parleur et prenant frénétiquement des photos le long de leur parcours ? A l’invitation de la galerie Polka, Massimo Siragusa s’est glissé avec délectation et curiosité dans la peau d’un touriste. Malgré cet angle de vue à priori très banal, Paris se dévoile en réalité comme une véritable scène de théâtre, avec ses personnages et surtout ses décors naturels composés de monuments historiques, magnifiés par cet éclairage si particulier et reconnaissable utilisé par le photographe italien : une lumière crue, à la limite de la surexposition.
Et pour ces spectateurs confortablement installés sur leur siège ambulant, la pièce n’a pas d’intrigues. En lieu et place, des détails fugaces qui surgissent au gré des points de passage du bus, ici un couple d’amoureux près de la coupole de l’Académie française, là des culturistes saisis en plein effort au jardin des Tuileries. A l’instar de ses prestigieux prédécesseurs – Doisneau, Klein…- qui ont immortalisé Paris, Massimo Siragusa a apporté sa vision de Paris, insolite certes, mais qui ne laissera pas indifférents les habitants blasés de la beauté de la capitale, ou les éternels amoureux de la ville-lumière.
« William+Kate, 29 avril 2011 » de William Klein
Observé de France, l’un des pays où on « coupait la tête aux rois et reines » dixit William Klein lui-même, le mariage du prince William et de Kate Middleton a intrigué, provoqué amusement et curiosité. Alors que deux milliards d’individus regardaient la cérémonie religieuse derrière leur petite lucarne, William Klein s’est mêlé aux quelques milliers d’anglais rassemblés dans Hyde Park. Quelles pépites le photographe a-t-il rapportées de son immersion dans la foule anglaise ? Des portraits, kaléidoscopes de cette Angleterre kitsch, joyeuse, bonne enfant, fière de sa royauté – cette institution séculaire et en apparence anachronique – pas dupe de la communication autour du mariage, mais heureuse de participer à cet événement. Ce qui n’a pas empêché William Klein de résumer malicieusement d’une maxime bien française cet engouement : « Ces anglais, ils sont cinglés !».
« Holy Daughters » de Prune Noury
Comment rendre compte de la discrimination à l’égard des femmes en Inde, pays où la naissance d’une fille équivaut souvent à une calamité du fait de la persistance de la tradition de la dot, obligeant le chef de famille à réunir la somme adéquate, voire à s’endetter pendant des années pour pouvoir satisfaire les potentiels partis ?
Pas de dénonciation à proprement parler de la part de la jeune plasticienne indienne Prune Noury, plutôt une provocation amusée, à travers « Holy Daughters », ces étranges sculptures en bronze à corps de jeune femme et tête de vache sacrée, qu’elle a volontairement laissées à la curiosité des passants, dans des lieux publics de New Delhi en septembre 2010.
Exposée pour la première fois dans une galerie en France, l’œuvre de Prune Noury, à mi-chemin entre la sculpture, la photo et la vidéo, interroge cette société indienne qui peine à accorder sa juste place aux femmes, malgré l’élection en 2007 – juste symbolique ? – d’une présidente de la république (ndlr : Pratibha Patil). Armée de sa caméra et de son appareil photo, Prune Noury immortalise les réactions des spectateurs – pour la plupart de sexe masculin – devant ses créatures : amusement, indignation, scepticisme … Autant de sentiments reflétant les ambivalences d’une nation vénérant la vache, animal sacré symbole de la fertilité, tout en pratiquant encore malgré l’interdiction légale les avortements sélectifs de filles.
Roxane Ghislaine Pierre
Itinérances
Jusqu’au 31 juillet 2011
Du mardi au samedi de 11h30 à 19h30
Entrée libre, sans réservation
Galerie Polka
12, rue Saint-Gilles
75003 Paris
M° Chemin Vert
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