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Entretien avec David Wampach

22 avril 2011
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SACRE


Bérengère Alfort : Dans AUTO, tu t’exposes et te surexposes en ton intimité la plus déviante, la plus extatique, dans la peau d’une blonde. Pourquoi une blonde ?

David Wampas : En fait, comme le point d’accroche était le film de John Waters, Desperate living, le personnage que je campe est blonde. Du coup, j’ai préféré cette teinte. En revanche, dans la vidéo inspirée du film de Brian de Palma, Carrie, dans la même pièce, la femme que je deviens est brune. Mais les spectateurs ont pu retenir davantage l’image de la blonde à cause de sa présence plus massive, sur scène comme en vidéo. La perruque que j’ai trouvée est plus belle…Mais en-dehors de ce hasard, nulle filiation familiale… Remarque, ma cousine était blonde, et c’est elle qui m’a donné envie de faire de la danse. Je n’y pensais plus !


AUTO David WampachEn quoi le film initial de John Waters qui a inspiré la vidéo d’AUTO est porteur d’une image de blonde sensiblement distincte de celle de ton autoportrait ?

Ma démarche au départ a été celle de trouver des films de travestis, j’ai regardé des films avec Divine, un travesti de très forte corpulence, mais en tombant sur Desperate living, je me suis mis à penser que c’était plus pertinent de travailler sur le personnage d’une vraie femme. Et au final, je me travestis dans tous les personnages, docteur, mari… Quant à sa folie — elle est internée, prend des médicaments-, elle est réelle. Or moi je ne me revendique pas de folie particulière…

La nudité est traitée dans QUATORZE comme liée à la musicalité, pourquoi cet abandon dans les pièces suivantes ?

Cet enjeu du « caché/montré » subsiste, même dans AUTO, où je ne cherche pas à être femme, mais où je questionne les codes de la féminité. Je cherche des portes d’entrée, des contraintes physiques, fortes, comme les talons hauts, par rapport au pianiste qui déplace son piano…Et des talons hauts, est venu le travestissement…Donc la nudité en soi disparaît, mais demeure un traitement d’une autre manière de la nudité, celle de mon « caché/montré ».

Dans BATTERIE, ton solo évoque l’Après-midi d’un faune de Nijinski, par rapport à la sensualité, l’onanisme et la solitude burlesque qui s’en dégage…Cette filiation est-elle le fruit d’un acte conscient ?

Non, pas du tout. C’est drôle ce que tu dis, car je l’entends et je travaille actuellement sur son Sacre du Printemps. Le dispositif de la performance BATTEMENT était très clair, mais je me suis balancé dedans, sans avoir conceptualisé avant ce fait. Mais le « caché/montré » était, là aussi, présent par l’accessoire, celui du costume de mousse à raser qui se désagrège sur mon corps au fil de la pièce.

Comment places-tu ton travail dans le milieu de la danse contemporaine ?

Je peux prendre un joker ? (rires) Je ne cherche pas à le placer, ni dans un classement horizontal, ni vertical. Je ne me sens pas dans une famille, dans une filiation. Je fais des propositions qui sont là dans un temps donné. J’ai mon nom dans le dictionnaire de la danse contemporaine, mais je ne pense pas que cela confère une légitimité. Je me sens chorégraphe, mais je ne cherche pas une « validation ». Je ne revendique pas une place, je prends la mienne !

Que signifie ton sens du dérisoire dans tes présentations de pièces, les programmes de salle, avec ce refus d’écrire, comme la plupart des artistes de ta génération, des textes plus ou moins littéraires et didactiques ?

Peut-être dans une idée d’auto dérision, mais sans doute plus même, dans l’idée de laisser la liberté au spectateur de recevoir ma proposition. Je cherche à ne pas trop l’influencer avant la vision de ma pièce. Ma parole est dans ma pièce, pas dans mon texte. Nulle provocation par rapport aux institutions. Par contre, tous les titres de mes pièces communiquent déjà sur la pièce, d’où le désir de les faire apparaître en majuscules, pour un effet « cartouche » visuel et sonore, qui raconte une histoire déjà…Un tube ! Sans prétentions…

Quels rapports entretiens-tu avec la presse ?

A part avec l’expérience de QUATORZE, difficile dans la première présentation, à cause des conditions matérielles de préparation, la réception froide même si pas générale…Je ne réfléchis pas vraiment à mon rapport à la presse. Je ne fais pas partie de ceux qui proposent des « enveloppes »… Je préfère réfléchir à la ce qui est en amont d’une pièce, la dramaturgie, plutôt qu’en aval. A chacun, journalistes compris, d’interpréter mon travail selon ses ressentis.


CASSETTE - David WampachDans BATTEMENT, on a vu se dessiner, à partir de l’influence du Bauhaus, d’Oscar Schlemmer, une parodie subtile du grand ballet classique et du huis clos sartrien. Comment ce sens aigu de l’expressionnisme codifié évoluera-t-il dans CASSETTE, sur les danses de salon et Casse-Noisette de Tchaïkovski ?

Mais je ne peux pas le dire ! Cela reste à voir ! Je te rejoins sur la question de l’expressionnisme et du travail élaboré avec les danseurs de BATTEMENT à partir de la bio mécanique de Meyerhold, une technique révolutionnaire. Il en avait marre de l’approche psychologique du jeu de l’acteur, propre à Stanislavi dont il avait été l’élève, début 20ème., Les mouvements eux-mêmes, ici, traduisent une émotion et non le jeu théâtral, de mémoire psychologique. Cette référence me poursuit dans CASSETTE, et LE SACRE…

A l’instar de Nietzsche, vois-tu tes créations comme le résultat du seul travail ou celui d’une inspiration inexplicable ?

Les deux. C’est, plus qu’une inspiration divine à laquelle je ne crois pas vraiment, la notion de déclic. Comme dans le TGV, pour QUATORZE : un gamin m’a réveillé et j’ai eu un réflexe de peur. Un peu plus tard, une autre fois, toujours dans le TGV, une dame m’a réveillé aussi, avec un froissement de papier gras, mais là, ma réaction a été celle d’une volonté de signifier mon exaspération…Il y a donc eu deux situations réalistes qui m’ont donné un déclic. Passer de l’état de repos à celui d’alerte a ainsi été le point de départ du travail de QUATORZE…Après est venu le travail d’archives et d’improvisation.

La blonde que tu es restée est-elle une écorchée vive ou une star du rock qui s’essaie à tous les méandres de la nuit pour le seul plaisir du jeu ?

Mais je ne me sens pas blonde ! (rires) J’ai fait une couleur pour cette pièce là, AUTO… Je ne sais pas si une blonde a un caractère spécial, définit un état, malgré les blagues à répétitions…Quant à moi, je ne suis pas du tout écorché, j’aime le jeu. Et surtout, j’attends avec impatience d’avoir les cheveux tout blancs… Pas de couleurs, pas poivre et sel, mi-figue mi-raisin, entre deux. Non, tout blanc ! Et ça commence, tu sais, pour les cheveux blancs, mais aussi, j’ai ma peau qui commence à se dépigmenter… Je m’efface.

Bérengère Alfort


A découvrir sur Artistik Rezo :

le portrait de David Wampach

[Visuels (de haut en bas) : SACRE (crédit : Sophie Laly) // AUTO (crédit : Rachel Garcia) // CASSETTE (crédit : Richard Wampach)]

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