La Nuit de l’ours – Théâtre de l’Atalante
L’un a une mère toxicomane, l’autre un frère schizophrène et le dernier un père et une sœur incestueux. Liés par une même détresse, ils se livrent à une joute verbale sans-merci, la parole ne suffisant parfois plus, le corps l’emporte sur les mots, laissant les comédiens exprimer leur colère dans des performances de danse où l’on saluera le travail de Claire Richard.
La chorégraphie et la musicalité de la pièce prennent quelque fois des airs de comédie musicale qui ne sont pas sans nous rappeler les jeunes délinquants de West Side Story. En effet, les acteurs imitent les pas de danses mais aussi les acrobaties et les bousculades des Sharks.
La virée nocturne des trois amis les emmènera d’un parc, où la prise d’ecstasy leur ouvre les portes d’un monde burlesque, au sous-sol de la maison d’Angel. Sous-sol, dans lequel les deux garçons déguisés, se livrent à une scène hilarante qui ne prendra fin qu’avec la terrible découverte d’Angel, les ramenant à la dure réalité de leur existence. Le comédien effectue alors un virage à 360 degrés, le plus réservé devient l’instigateur de leur mini-révolution : partir à Grenade. Aventure qui les pousse à braquer une épicerie pour se procurer les fonds nécessaires.
Ils sont trois, trois univers différents, trois énergies incontrôlables, trois âmes abimées, mais ne formant qu’un face à l’épreuve de la réalité. Ils se chamaillent, se détestent, se battent pour finalement se soutenir. Mais cette rencontre, certes violente, crée des tensions extrêmement fortes qui conduit à une catharsis salvatrice pour chacun d’entre eux.
Du début de soirée au petit matin, ils utilisent un verbe fort, tirant le spectateur entre rire, peur, surprise, apaisement le tout dans un ensemble où la force du trio surprend. Le verbe acerbe souvent rythmé renvoyant aux sonorités du slam, renforce un récit sans cesse bousculé par une violence contenue au bord de l’explosion.
Agathe Alexis utilise avec brio les effets de clair-obscur, éclairage à la bougie, à la pile électrique plongeant le spectateur dans une noirceur parfois angoissante. Cette lumière ouatée englobe un décor minimaliste qui suggère des atmosphères très différentes, évitant ainsi l’impression du huis clos.
Le récit tire sa force de cette mise en scène efficace. Enfin, on soulignera la performance complète des jeunes comédiens Vincent Escure, Olivier Pilloni et Jonathan Salmon tout en nuance, entre maîtrise des mots et audace corporelle.
La nuit de l’ours ne laisse pas un seul répit au spectateur embarqué dans ce conte urbain mené tambour battant par trois comédiens talentueux. Une curiosité à ne pas manquer.
Morgane Guimier
La Nuit de l’ours
D’Ignacio del Moral
Mise en scène d’Agathe Alexis
Avec Vincent Escure, Olivier Pilloni, Jonathan Salmon
Du 2 au 31 Mars 2011
Tous les jours à 20h30, samedi à 18h et 20h30, dimanche à 17h, relâche le mardi
Renseignements et réservations 01 46 06 11 90
Théâtre de l’Atalante
10, Place Charles Dullin
75018 Paris
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