Luisa Miller – Verdi – Opéra Bastille
Verdi n’a jamais caché sa fascination pour la littérature. Dans sa longue carrière, il aura adapté Hugo, Voltaire, Byron, Dumas, sans oublier Shakespeare. Son opéra Luisa Miller ne fait pas défaut à la règle puisque le livret, écrit par le réputé Salvatore Cammarano, est tiré de l’œuvre Kabale und Liebe (Intrigue et Amour) de Friedrich Schiller. Cette œuvre marque un tournant essentiel pour Verdi qui avouera en avoir fini avec ses « années de galères ». Ses premières œuvres étaient inspirées des opéras-bouffes de Rossini tandis que ses suivantes reposaient sur de grandes épopées populaires. Avec Luisa Miller, les destins individuels ont pris le devant, les rapports de force familiaux sont violents et Verdi s’en prend à la noblesse corrompue face à aux gens du peuple.
Une mise en scène vide de psychologie
Alors que l’Italie est en proie à un mécontentement grandissant et où des révoltes éclatent à travers le pays, les opéras patriotiques sont dans ces années de conflits vus d’un mauvais œil. C’est la raison pour laquelle l’action de Luisa Miller se déroule en Allemagne dans un petit village du Tyrol au XVIIIème siècle.
Sans véritablement faire défaut au livret, Gilbert Delfo et son décorateur attitré William Orlandi ont donc reconstitué un décor succinct avec plan montagneux en arrière fond, où trône au centre une petite ferme prise dans une crevasse montagneuse verdoyante. Le monde aristocratique est quant à lui représenté par de grands arcs voutés noirs diaboliques, seule référence au côté obscur fort présent dans ce drame familial.
Ce qui fait majoritairement défaut à Delfo est précisément de ne pas s’être suffisamment attardé sur les conflits existant entre les personnages. Force est de constater pourtant que la puissance psychologique de chacun joue un rôle majeur dans cette histoire d’amour impossible entre Rodolfo, un bel aristocrate et Luisa Miller, simple fille de soldat à la retraite. L’un est persécuté par un père tyrannique, arriviste et despote tandis que l’autre vit dans la douleur de sauver son père qu’elle aime tant. En raison d’une direction d’acteurs statique et expédiée, Delfo frustre en oubliant à quel point les œuvres de Verdi sont emplies de violence, de jalousie, de haine, de conflits et d’amour. C’est peut-être sur ce dernier point que le metteur en scène demeure le plus (et le trop) attaché..
Stoyanova / Alvarez
Ils étaient attendus, ils n’ont pas déçu. La soprano Krassimira Stoyanova et le ténor Marcel Alvarez sont de fins connaisseurs de cette œuvre qu’ils ont déjà interprété de nombreuses fois.
Leur volonté et leur aisance scénique permettent de largement sauver cette production bien que l’on annonça Alvarez souffrant. Si son mal était palpable sur scène, sa conviction n’a pas fait défaut à sa voix comme le démontre son remarquable air Oh ! fede negar potessi. Orlin Anastassov incarne avec la noirceur qu’il faut le Comte Walter tandis que Franck Ferrari propose un Miller trop effacé et qui méritait une plus grande importance scénique. On n’oubliera pas ces quelques moments de grâce propre à Verdi lors de ce quatuor du deuxième tableau de l’Acte 2 ou cet Acte 3 bouleversant avec son orgue sonnant l’approche de la mort. Un succès d’estime au final qui vaut avant tout pour sa distribution et la direction de Daniel Oren, toutefois plus à l’aise dans Francesca da Rimini de Zandonai entendu en février dernier.
Edouard Brane
Luisa Miller – Verdi
Les 13, 17, 20, 24, 29 mars et 1er avril à 19h30
Direction musicale : Daniel Oren
Mise en scène : Gilbert Deflo
Décors et costumes : William Orlandi
Orlin Anastassov – Il Conte di Walter
Marcelo Alvarez / Roberto De Biasio (26 mars) – Rodolfo
Maria José Montiel – Federica (duchessa d’Ostheim)
Arutjun Kotchinian – Wurm
Franck Ferrari – Miller
Krassimira Stoyanova – Luisa
Elisa Cenni – Laura
Orchestre et Choeur de l’Opéra national de Paris
Durée du spectacle : 2h50 avec un entracte
Prix des places : 5€, 15€, 20€, 35€, 55€, 75€, 90€, 115€ et 140€
Opéra Bastille
Place de la Bastille
75012 Paris
Métro : Bastille (lignes 1, 5 et 8)
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