Olivier Mégaton – Galerie Larcade
Son pseudo a été choisi en mémoire d’Hiroshima, survenu vingt ans jour pour jour avant sa naissance. Son film Exit a reçu la bénédiction de Luc Besson, qui a produit par la suite son plus grand succès commercial, Le Transporteur 3. L’homme a donc plutôt intérêt à assumer la fausse image qu’on aura lui. Rencontre insolite avec un artiste qui n’est pas là ou on l’attend.
Depuis combien de temps exposez-vous ?
J’ai toujours peint, depuis tout petit. J’ai découvert la bombe en 1980, à un concert des Clash, de manière fortuite ; je faisais parallèlement des petites BDs pour les fanzines. Puis j’ai exposé très vite pour une raison simple : entouré d’artistes, j’ai profité de leurs expos de groupe. Venant d’une génération un peu agitée, je peignais à la bombe directement, par opposition à Epsilon et Blake, des gens un peu plus âgés qui venaient des Beaux-Arts dans les années 1970, ou même Jeff Aérosol et Mesnager. Ces gens-là avaient une démarche artistique forte, post soixante-huitarde, avec une volonté de donner leurs productions aux citadins qui passaient. À l’époque on touchait à des thèmes très différents : les artistes maudits, pour la guerre, contre la guerre… on faisait une exposition une année, et l’année d’après, l’exposition inverse. C’était un peu n’importe quoi. Mais c’était sain ! La notion mercantile est arrivée plus tard.
Que pensez-vous de l’évolution du marché de l’art ?
Les artistes aujourd’hui sont des hommes d’affaire, l’art du marketing. Cependant, il faut dire que ça existait déjà dans les années 1980, avec Warhol et la Factory, qui était présentée comme expérimentale alors qu’elle était super marquetée. Même en France, des gens comme Pierre Restany ou Raymond Hains étaient quand même très organisés, ils savaient ce qu’ils faisaient. Mais le monde de l’argent était rock’n roll, et ça salissait tout ça ! Les nouvelles fortunes était des gens un peu déjantés, destroy.
Quelles influences vous reconnaissez-vous ?
La première fois que je suis tombé dans la rue sur une Hendricks d’Ernest Pignon-Ernest, je me rappelle, j’ai failli m’arracher les ongles, j’avais 15 ans et demi ! Ce sont des gens qui ont investi la ville comme jamais, de manière impressionnante. De voir son installation des « Rimbaud » sur les marches de Montmartre, c’était assez délirant.
Comment avez-vous rencontré Céline Larcade, la directrice de la galerie ?
Quand le cinéma est arrivé dans ma vie, sur les conseil de Jean-Baptiste Mondino, pendant une performance à la Loco, ça m’a pris beaucoup de temps. Parallèlement, je faisais des portes ouvertes chez moi, une fois tous les deux ans, pour garder le contact avec les gens du monde de l’art qui m’ont permis d’arriver là où je suis. Et il y a un an, on m’a proposé d’exposer dans une salle aux Trois-Baudets : ça a donné l’exposition « Rock’n rolla » et j’y ai rencontré Céline, avec qui j’ai continué à discuter au cours de cette année. Je reprenais mon second souffle, la peinture, qui me rend vivant. Car le cinéma a une capacité à vous étouffer rapidement. Sur un film, on est en autarcie totale : un seul objectif, qui vous coupe de tout ce qui ne le concerne pas. Ici, à l’exposition, c’est un vrai plaisir de s’apercevoir qu’on continue à avancer, à peindre de nouvelles choses. Ça permet de refaire un cliché sur la façon dont on existe. Ça permet de se dire : je finirai en peignant.
Voudriez-vous retourner dans la rue ?
Non. Je viens de banlieue, et il faut vraiment être stupide pour dire qu’on pourrait avoir envie de retourner dans son HLM. Il y a eu des moments bien, et d’autres plus durs. Un ami m’avait prêté son appartement dans les années 1980, je prenais mon sac de bombes et je descendais peindre en bas de chez moi. A l’époque les flics s’arrêtaient, regardaient si ce que tu faisais étaient bien ou pas. On peignait très librement, la rue était à nous ; il n’y avait pas toute ces lois et ces convictions anti graffiti. La notion d’interdit est arrivée plus tard, aujourd’hui c’est compliqué.
Est-ce difficile d’être plus connu du public en tant que réalisateur ou en tant que peintre ?
Non, je n’ai pas de problèmes d’égo ou de reconnaissance, j’ai réglé ça il y a longtemps. Je ne parlerais pas de schizophrénie : j’ai vraiment deux cerveaux qui fonctionnent différemment entre la peinture et le cinéma.
Pouvez-vous me dire deux mots sur Colombiana ?
Zoé Saldana a accepté ma proposition juste après Avatar , et Colombiana est le premier film où elle joue un lead role. On revient aux fondamentaux des personnages de Léon et Nikita, avec un gros fond de drame psychologique, ce qu’on n’a pas vu chez Europa depuis très longtemps. Je retourne à un cinéma plus proche de ce que je faisais avant, un cinéma plus esthétique, plus étudié : on est sorti de la rapidité du Transporteur 3 où il fallait être efficace. Donc un film beaucoup plus ouvert, qui va plaire à beaucoup de gens. Il y aura certes de l’action, donc le teen de 15 ans va y retrouver son compte. John Papsidera a déjà fait les castings d’Inception et de Dark Night, autant vous dire qu’il y aura du lourd. Je n’ai jamais autant souffert sur un tournage, on a tourné dans le monde entier, ça a été très dur. Mais le plaisir arrive dès les premières séquences montées, et c’est l’émerveillement. Au début on se dit : je ne vais jamais y arriver, c’est un énorme job ; et en fait on se rend compte qu’on gagne tous les combats.
Propos recueillis par Mathilde de Beaune.
Soirée dédicace à la galerie en présence de l’artiste
Le vendredi 18 février de 19h à 23h
Du 22 janvier au 19 mars 2011
Du mardi au samedi de 14h à 19h
Renseignements : 01 49 96 53 40
Larcade Gallery
69 Rue Quincampoix
75003 Paris
Métro Rambuteau – Les halles
www.larcadegallery.com
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